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lundi, 06 juin 2022

Du temps

 

 

Dans une salle d'attente, chaque minute est une heure. Une journée de travail de sept heures semble durer une semaine. Une nuit d'amour semble n'avoir duré qu'une poignée de minutes. L'attente d'un être cher est parfois ainsi qu'une dizaine d'années. Un baiser n'est d'aucune heure, mais il se brise silencieusement, soudain. Soudain, aussi, la musique s'interrompt, mais elle demeure comme un baiser ou un regard. 

 

 

 

22:46 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

dimanche, 29 mai 2022

D'un cerf

 

 

Je me souviens qu'une fois, il y a longtemps, je m'étais rendu à Fontainebleau, avec des amis. Nous nous promenions dans la forêt après avoir visité le château. Mes amis étaient fatigués, et voulurent interrompre notre marche. Je leur dis que j'allais faire quelques pas avant de les rejoindre tandis qu'ils se reposaient. Je m'engageai sur un petit chemin à l'écart, dans l'ombre verte. Soudain, j'aperçus un grand cerf, qui se blottissait près du tronc d'un arbre, parmi l'herbe et les mousses. Ses bois magnifiques redoublaient les branches de la forêt. Je remarquai que l'animal était blessé : du sang tachait ses poils, je devinai une plaie profonde. Troublé, je fis un pas en avant ; le cerf eut un mouvement de recul, rassemblant ses minces pattes contre lui et me regardant, effrayé, de ses yeux humides bouleversants. Je reculai moi-même immédiatement. En ces temps, il n'y avait pas de téléphones portables, et je ne pus rien faire. Je le laissai ainsi, non sans lui avoir adressé un dernier regard impuissant. Je signalai le fait à un gardien du domaine, qui se contenta de hausser les épaules. Il m'arrive de penser à ce cerf ; il ne se plaignait pas, il attendait sans gémir la mort ou la fin de sa douleur. J'avais rencontré l'élégance.

 

 

 

 

22:57 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

samedi, 28 mai 2022

Habiter

 

 

Habiter... Lorsque je perdis une personne chère, à chaque fois je n'habitais plus. Il s'agit, oui, d'habiter.

 

 

 

21:17 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

D'un échange

 

 

Un grand poète vient de m'écrire, me parlant de Nuages rois. Voici un véritable et rare échange, sur cette terre.

 

 

 

21:11 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Loin et proche

 

 

À la fin, je n'aime plus me rendre dans une salle de spectacle que pour un opéra, où des voix s'imposent et ne peuvent qu'être là, à ce moment-là, à jamais, avec la magnificence musicale, devant moi, bruissantes, uniques, lumineuses et sombres.

J'aurai aimé beaucoup de concerts, mais des malotrus m'ont trop souvent donné des coups dans le dossier de mon siège, trop de spectateurs ont toussé, éructé, applaudi trop vite ; je ne peux plus les supporter : désormais, j'ai davantage de plaisir à écouter quelque quatuor, quelque pièce pour piano ou quelque symphonie dans mon salon, seul, à l'abri de l'hostilité du monde violent, blessant et vociférant.

Mais un opéra ! Un opéra ne peut véritablement être écouté que dans une salle de spectacle, avec le nombre, la lumière et le sombre, dirais-je, de l'instant. (Un opéra tombe un peu dans une chambre solitaire, toujours.)

 

*

 

Lorsque j'écoute de la musique, je me sens à la fois loin et proche du monde. Ceci explique peut-être cela, je ne sais.

 

 

 

Note en passant

 

 

L'impatience et l'attente se font continuellement la guerre.

 

 

 

11:33 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Nouvelles du fracas (2)

 

(Cela est écrit, au fur et à mesure, lorsque je tente d'écouter les informations du monde à la radio, où tout est mis sur le même plan, et où pour ma part je ne comprends plus rien, ou bien où, au contraire, je comprends beaucoup de choses.)

 

Deux Premiers ministres se sont tutoyés et se sont appelés par leurs prénoms publiquement, devant tout le peuple. Cette incroyable nouvelle nous parvient alors que, sur la Croisette, deux stars se sont embrassées sous l'œil des photographes.

 

Il fait soleil aujourd'hui. Demain, il fera peut-être soleil aussi. Ensuite, il pleuvra sans doute.

 

Dix morts sont comptés dans le pays de ***, sous les bombardements du pays de ***.

 

Un rat est mort, aujourd'hui, dans une cave parisienne.

 

Une folle se promène en ce moment dans les rues de Florence, en hurlant. Nul ne sait comment la calmer.

 

La mer est bleue et verte, avec des nuances de gris, selon quelques scientifiques, d'après une récente étude.

 

Quelqu'un aime quelqu'un quelque part, selon notre envoyé extraordinaire.

 

Un match a lieu dans un stade, et un joueur court très vite. Des millions d'euros sont en jeu.

 

La famine sévit dans le pays de ***.

 

Un président se tait. Mais pourquoi se tait-il ? Une conférence va être organisée à ce propos, et quatorze émissions de radio sont déjà prévues.

 

Encore vingt morts sous les bombes, à ***. La présidence de la République a fait un communiqué, après que le président a téléphoné à un autre président moins démocratique que lui.

 

L'actrice *** portait une très belle robe signée ***, lorsqu'elle monta l'escalier.

 

 

 

 

06:27 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 27 mai 2022

Les beaux mots (6)

 

 

La langue française est belle, et en son sein sont particulièrement beaux certains mots. L'un des plus beaux est certainement celui-ci :

 

lieu

 

(à suivre.)

 

 

20:43 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

mercredi, 25 mai 2022

Partir

 

 

À la fin, la chance est de pouvoir partir.

 

 

 

10:03 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Vacance

 

 

Mes poèmes sont irrigués par la tendresse et la caresse — par l'absence aussi, par la vacance, par la blancheur.

 

 

 

mardi, 24 mai 2022

Apparitions

 

 

Comme me l'a appris mon amie ***, quelque avantage réside dans le fait d'être myope : on peut, lors d'une exposition de peinture, ôter et remettre à loisir ses lunettes, et ainsi regarder différemment une œuvre : nombre de toiles apparaissent alors, disparaissent et renaissent. C'est comme si, devant telle image, on plissait les yeux sans les plisser, si j'ose dire. Cela ne vaut pas que pour les toiles dites impressionnistes ou celles d'un Eugène Leroy, par exemple : presque chaque peinture, à la fin, peut être contemplée ainsi, alternativement. Un visage, un fantôme, une trace, un souvenir ou un ciel se cachent qui attendent nos regards recommencés.

 

 

 

04:25 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Musée d'un regard | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

lundi, 23 mai 2022

Sur Elektra de Richard Strauss

à S.

 

 

Le miracle de l'Elektra de Richard Strauss est de nous faire songer, lorsque nous l'écoutons, que notre frisson est peut-être (je dis bien peut-être) le même que celui des Grecs anciens lorsqu'ils assistaient à la représentation d'une tragédie de Sophocle. C'est là sans doute une illusion, ou un vœu. Il reste que cette musique est une terrible, une immarcescible magnificence, et que sont convoqués, dans l'instant, l'esprit et le corps des hommes, les dieux et, avec eux, le Sacré : la sensation de cette force ne peut nous être ôtée.

 

 

 

La coupure

 

 

Hier après-midi, tandis que j'attendais avec impatience que commencât la représentation d'Elektra, je m'avisai d'une petite blessure, d'une petite coupure plutôt, d'à peine un centimètre, et parfaitement indolore, au niveau de mon poignet droit. Elle saignait, curieusement, abondamment, jusqu'à tacher ma chemise ; le mince filet de sang allait jusqu'à la base de mon pouce. J'étais pourtant certain d'avoir quitté mon appartement et de m'être mis en route, à pied, vers l'Opéra Bastille sans avoir été touché par quoi que ce soit. D'où venait donc cette coupure ? Peut-être était-ce l'un des coins de mon billet qui m'avait légèrement éraflé, lorsque je présentai celui-ci à l'ouvreur ? Cela n'avait évidemment aucune importance mais, alors que j'essuyais la plaie, je regardai mon mouchoir teinté de rouge et me dis que c'était là chose bien étrange que de saigner ainsi quelques minutes avant que ne retentît l'un des opéras les plus sanglants qui fussent !

 

 

 

samedi, 21 mai 2022

Tâtons

 

 

Dans la Bible, tous les mots tâtonnent autour de Dieu.

 

 

 

 

23:00 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

גַּם זֶה יַעֲבֹר

 

 

J'ai lu quelque part que le roi Salomon portait une bague où pouvaient se lire deux inscriptions. Lorsque le roi était triste, il regardait sa bague, sur laquelle étaient gravés les mots « Ceci passera ». Puis il la retournait et lisait l’autre inscription qui disait « Cela aussi passera » (גַּם זֶה יַעֲבֹר,  ze ya’avor).

 

 

 

02:59 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |