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dimanche, 20 décembre 2020

Croisements

 

 

 

Depuis plus de vingt ans que je vis à Paris, je me suis beaucoup promené, et j'ai vu nombre de visages. Tout à l'heure, tandis que je me hâtais de rentrer avant le couvre-feu, je vis quelques yeux débordant des masques, et je me dis que j'avais nécessairement, au long de toutes ces années, croisé sans le savoir dans les rues de la ville, parmi les silhouettes que les journalistes prétendent anonymes, des personnes intéressantes ou inquiétantes : un danseur-étoile ; une chanteuse d'opéra ; un grand peintre méconnu ; un musicien égal peut-être à Mozart, mais dont les compositions ne sont pas à la mode ; un mécène fastueux, mais qui ne sait à qui donner, ou qui donne mal ; un assassin ; un agent secret ; un comte, un duc, une marquise ; un prince étranger, peut-être même un roi ; un dompteur de tigres ; un astronaute ; un spécialiste de Nil d'Ancyre ; un autre spécialiste, auteur d'une édition des Sermons d'Isaac de l'Étoile ; un traducteur des œuvres de Sozomène ; un amour que je n'aurai pas eu le temps de reconnaître ; l'un des plus grands poètes du monde... Tant d'autres, tant d'autres encore !

 

(Nuit du samedi 19 décembre 2020.)

 

 

 

mercredi, 20 septembre 2017

Ronde des visages (dans la ville), 4.

 

 

(3.)

 

Le visage qui aime, qui aime à,

 

Le visage de celui qui a l'air d'avoir lu tous les livres d'Antonin Artaud (et c'est vrai tantôt, mais tantôt cela n'est pas vrai du tout),

 

Le visage sans mot dire,

 

Le visage qui donne des leçons de grammaire,

 

Le visage qui se rappelle la musique,

 

Le visage de qui lit un poème,

 

Le visage rare comme un ciel,

 

Le visage de celui qui écouta une sonate d’Érik Satie,

 

Le visage qui n’est qu’une bouche,

 

Le visage facile,

 

Le visage qui sait qu’il ne sait pas qu’il sait,

 

Le visage qui ne sait pas qu’il ne sait pas, qui ne sait pas s'il ne sait qu'il ne sait pas, etc.,

 

Le visage à qui nul ne fait accroire,

 

Le visage simple,

 

Le visage de qui revient…

 

(à suivre.)

 

 

 

06:10 Écrit par Frédéric Tison dans Minuscules, Ronde des visages | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 19 juin 2015

Ronde des visages (dans la ville), 3.

 

(2.)

 

 

Le visage qui n'y pense plus,

 

Le visage qui sait beaucoup trop qu'il est visage, celui qui ne sait pas assez qu'il n'est qu'un visage,

 

Le visage qui sait qu'il est encore un visage,

 

Le visage à gifler (mais on se retient...),

 

Le visage qui fait semblant de s'intéresser,

 

Le visage haineux, hostile, patibulaire, louche, qui cependant est encore un visage, mais non, ce n'est plus tout à fait un visage,

 

Le visage qui sifflote,

 

Le visage qui danse avec la musique, celui qui hante une musique qui n'a pas été composée, ou bien qui est oubliée,

 

Le visage...  On dirait celui d'un poète (?)...

 

 

(à suivre.)

 

 

 

18:05 Écrit par Frédéric Tison dans Minuscules, Ronde des visages | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

lundi, 23 mars 2015

Ronde des visages (dans la ville), 2.

 

 (1.)

 

  

Le visage dont on ne sait rien, dont on aimerait savoir quelque chose,

 

Le visage auquel on ne la fait pas, qui croit en, qui croit à, qui est certain,

  

Le visage qui n'est pas là, on se demande pourquoi,

  

Le visage d'un petit dieu, métamorphosé (ou en attente de l'être),

  

 Le visage qui croit fermement qu'il est un visage...

 

 

 (à suivre)

 

 

 

06:37 Écrit par Frédéric Tison dans Minuscules, Ronde des visages | Tags : frédéric tison, minuscule | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

jeudi, 15 mai 2014

Ronde des visages (dans la ville)

 

  


Chaque homme porte un livre en lui, une page, un feuillet qui n'a pas eu l'heur d'être publié, un défet certainement, perdu dans la ville. Lorsque l'heure me permet de me promener dans Paris (mais ce pourrait être n'importe quelle ville) ou de paresser à la terrasse d’une brasserie, levant les yeux de mon livre, j'aime regarder les visages des passants que je croise ou qui défilent devant moi, et je les dévisage, je le crois, sans être indiscret ni importun, et sans une convoitise dont mon propre visage serait le miroir — et puis, il faut bien dire que dans la ville peu de gens s'aperçoivent que vous les regardez. J'aimerais, car il manque à ma bibliothèque, un livre d'images  et de mots dont l'objet seul serait le visage.

 

ou bien


Les visages sont des pages, leurs histoires furent des livres, leurs passages furent le défet qui tombe des livres, et la rue est souvent la bibliothèque de livres qui ne furent pas écrits. Je me propose d'en livrer quelques fragments ici (si je suis dans la ville) et tout sera à poursuivre.

 

*

 

Il y a toujours le visage qu'on retient. Il y a aussi celui qui passe et qu'on ne retient pas : on n'y voyait rien, on était trop occupé, on était atroce et seul,

  

Il y a – celui-ci est très représenté – le visage qui ne regarde personne, qui ressemble aux corps qui marchent, voûtés, le dos encombré d’on ne sait quelles ailes absentes, et cependant si lourdes,

  

Il y a le visage beau et tendre, rapide, qu'on aime et qu'on aimerait ainsi que...,

  

Le visage inconnu qu'on reconnaît même en passant, cependant,



Le visage odieux, qui n'est pas le visage laid,  

 

Le visage qui a soigné,

 

Le visage qui a lu des livres d'écrivains – c’est, tout du moins, ce qu’on pense en déduire,

 

Le visage qui a lu des historiens (ibid.),

 

Celui qui a lu des philosophes, des métaphysiciens, des théologiens, etc.,

 

Le visage qui baisse les yeux mais qui nous a vu,

 

Le visage qui n'en peut mais,


Le visage d'une si belle femme qu'on se demande si elle sait qu'elle est si belle en son visage, mais non, si elle savait qu'elle était si belle, elle le serait moins...


 

(à suivre)

 

 

17:02 Écrit par Frédéric Tison dans Minuscules, Ronde des visages | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |