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samedi, 19 avril 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 - Addendum

 

 

 

En ce qui concerne le livre 11. de l’inventaire de la bibliothèque de Charles d’Orléans, à son château de Blois, en 1427 (« 11. La Bataille et destrucion de Troie, en françois, en lettre de forme ancienne, historiée, couvert de veloux noir, à deux fermoers d’argent blanc, par semblance [d’après ce que l’on peut apercevoir]»),  dont Le Roux de Lincy écrit qu'il est la « traduction du livre apocryphe attribué à Darès le Phrygien et à Dictys de Crète, ou de celui de l’Italien Gui de Colonne », j’écrivais naguère que «  de Gui de Colonne (ou Guy des Colonnes), malgré mes recherches je ne sais rien sinon qu’il fut l’auteur, à une date inconnue de moi, d’une Histoire de Troie. Je me propose d’approfondir ce mystère, mais j’appelle ici mon Lecteur de passage s’il en sait davantage ! »...

 

Ce mystère n’en était guère un, car je n’avais pas songé à Guido de Columnis, un chroniqueur et poète de l'École sicilienne, de langue latine, ayant vécu au XIIIe siècle : il est l’auteur d’une Historia destructionis Troiae, et peut s’identifier naturellement à ce Gui de Colonne.

 

Dion de Pruse dit Dion Chrysostome (« Bouche d’or ») (vers 30 – vers 116) était un rhéteur grec auteur de discours politiques ; l’un de ces derniers avait suscité la polémique en attribuant les malheurs de Troie non aux Troyens eux-mêmes, mais à la brutalité des Grecs : Guido de Columnis, dans son Historia, reprenait cette ancienne polémique, à la suite du Roman de Troie (1160-1170) du poète normand ou tourangeau Benoît de Sainte-Maure.

 

 

 

 

 

mardi, 25 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (30)

 

 

 

Introduction.

 

   

 

« 79. Le livre de Boece, Consolacion, glosé, en latin, couvert de cuir rouge marqueté, escript en lettre courant, enluminé, et est escript en l’inventoire dont cestui est detrait [tiré, extrait] en deux volumes, mais il n’en contient que ung. »

 

Un des deux volumes avait donc dû être perdu, ou volé ?

 

Sur La Consolation de la philosophie de Boèce, voir les livres 24., 46. et 57.

 

 

« 80. Une Légende dorée, en françois, enluminée d’or, lettre courant, couvertes de cuir vermeil marqueté ; rendue e[t] recouvrée [récupérée] de Simonnette, femme de chambre de madame d’Orléans la jeune. »

 

 

[Note écrite en marge :] « Iste liber non est datus per magistrum Johannem de Tuillières, sed de post fuit aliunde recuperatus. »

 

 (« Ce livre n'est pas recensé par Maître Jean de Tuillières, mais a été par la suite ajouté à partir d'une autre source. »)

 

  

Voir le livre 3. de cet inventaire.

 « Madame d’Orléans la jeune » est sans doute la fille que Charles d’Orléans eut de sa première épouse, sa cousine germaine Isabelle de Valois (1389-1409), fille aînée de Charles VI et d’Isabeau de Bavière (Isabelle qui avait été l’épouse, en premières noces, de Richard II, roi d’Angleterre) : Jeanne d’Orléans (1409-1432), qui épousa en 1424 Jean II, duc d’Alençon.

  

  ***

Fin de l’inventaire de la Bibliothèque de Charles d’Orléans,
à son château de Blois,
en 1427.

 

 

 

samedi, 22 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (29)

  

 

Introduction.

 

  

 

« 77. Le livre de Jozephus, en françois, couvert de cuir noir usié [usé, altéré], en grans volume, historié, en lettre de forme. »

 

À mon avis, il s’agit des Antiquités juives, ou bien de La Guerre des Juifs, les deux ouvrages les plus fameux de Flavius Josèphe, l’historiographe judéen (vers 37-vers 100). Charles V, qui fit traduire en français nombre d’œuvres de l’Antiquité, commanda la première traduction (connue) des livres de Josèphe en français, vers 1370. (C’est au Livre XVIII des Antiquités juives que se trouve le « Testimonium Flavianum », ce passage manifestement interpolé, ou grandement récrit, où il est question de Jésus.)

  

 

« 78. Le Donnast, couvert de rouge marqueté, enluminé au commencement, historié, avecques le Regime. »

  

Il s’agit de l’Ars Grammatica, un traité de grammaire conçu par Ælius Donatus, précepteur de saint Jérôme (vers 320-vers 380). On donna ensuite au livre du grammairien latin le nom de son auteur, le Donat.

 

 

(à suivre.)

 

 

 

 

mercredi, 19 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (28)

 

 

Introduction.

 

 

 

« 75. Les Cronicques de diverses nascions, en françois, en lettre bastarde, historiées, couvertes de cuir blanc. »

 

S’agit-il encore d’un extrait du Miroir de l’histoire ou Miroir historial (Speculum historiale), l’encyclopédie rédigée par le frère dominicain Vincent de Beauvais ? (Cf. livre 72.)

 

 

« 76. Le grant Valère, en latin, de forme lombarde, neufve, couvert de cuir blanc. »

 

La « forme lombarde » fait référence à ces caractères manuscrits inspirés de l’écriture au calame (les « capitales lombardes »).

 

Valère Maxime, historien et moraliste romain du Ier siècle après J.-C., est l’auteur d’un recueil d’anecdotes historiques, ou relatives à la vie sociale et religieuse, connu sous le titre Faits et dits mémorables, dédié à l’empereur Tibère. En voici un extrait (I., V., 5), à propos de la fuite de Rome de Caïus Marius (157-86 av. J.-C.), général et homme d'état romain, lors de la guerre civile qui l'opposa au futur dictateur Sylla :

 

« Sans aucun doute, l’observation d’un présage fut salutaire à Marius, lorsque, déclaré ennemi public par le Sénat, il fut mis à l’écart dans la maison de Fannia à Minturnes comme prisonnier. Il remarqua en effet un petit âne qui, quand on lui présentait du fourrage, le négligeait pour courir vers l’eau. À cette vue, pensant que la providence divine lui montrait un exemple à suivre, et au demeurant très versé dans l'interprétation des croyances religieuses, il obtint de la multitude accourue à son secours de se faire conduire au bord de la mer. Aussitôt il monta dans un petit navire, se transporta en Afrique et se déroba ainsi aux armes victorieuses de Sylla. » (Source)

 

 

(à suivre.)

 

 

 

 

dimanche, 16 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (27)

 

 

Introduction.

 

 

 

« 72. Le livre de Vincent, abrégié, en françois, avecques plusieurs autres histoires et croniques, depuis le trespas saint Loys jusques à Philippe de Valois, escript en lettre courant, couvert de cuir blanc. »

 

Il s’agit sans doute d’un extrait du Miroir de l’histoire ou Miroir historial (Speculum historiale), l’encyclopédie rédigée par le frère dominicain Vincent de Beauvais (vers 1184/94-1264), et traduite en français par Jean de Vignay ; on se souvient (c’est le livre 32. de cet inventaire) que l’ouvrage recense les « faits et gestes historiques selon la chronologie » (comme l’auteur l’écrit dans son « Prologue ») depuis la Création du monde jusqu’au XIIIe siècle. Cet extrait serait la partie historique débutant à la mort de saint Louis (1270) et se poursuivant jusqu’à l’avènement du premier des Valois, Philippe VI de France (Philippe de Valois, 1293-1350, roi en 1328), dont descendent Louis et Charles d’Orléans.

 

 

« 73. Le livre de ceulx qui regnèrent après le deluge, contenant plusieurs croniques, en lettre de forme, en françois, couvert de cuir blanc. »

 

Il s’agirait, selon Le Roux de Lincy, d’un ouvrage de généalogie, présentant tous les rois du monde, de Noé à Charles VI.

 

 

« 74. Ung Breviaire à l’usage de Paris, en deux grans volumes couvert de cuir blanc, notés, portans [contenant] leur psaultier ferial. »

 

 

Ce bréviaire est un livre liturgique « portatif » destiné à célébrer l’office divin : il contient tous les textes nécessaires pour la prière quotidienne des Heures. Les deux volumes de celui-ci étaient « notés », c’est-à-dire qu’ils contenaient des notes de musique. Dans un « psautier férial », la semaine est divisée en « féries » (jours de semaine religieuse) se déroulant du dimanche au samedi. Dans chaque férie, l’on trouve des heures de prières réparties sur l’ensemble de la journée.

 

 

(à suivre.)

 

 

 

 

jeudi, 13 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (26)

 

 

Introduction.

 

 

 

« 71. Les Histoires du roy Arthus, du saint Graal, moult vieil, escript en françois, et n’a pas de commencement ; couvert de cuir rouge marqueté. »

 

Même tronqué (ses premiers feuillets sont apparemment manquants), ce livre est l’un de ceux qui (me) font le plus rêver dans cet inventaire : si l’on sait que la geste du roi Arthur s’est développée essentiellement d’après l’Histoire des rois de Bretagne de Geoffrey de Monmouth (vers 1100–1155) et que Chrétien de Troyes, qui s’inspire de Monmouth, introduisit le Saint Graal dans son roman Perceval ou le Conte du Graal vers 1180-1190, le fait que le livre soit « moult vieil » (a-t-il, en 1427, cent, deux cents ans ?) indiquerait qu’il s’agit, sinon de l’un des premiers, de l’un des plus anciens manuscrits de la légende…

 

 

(à suivre.)

 

 

mardi, 11 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (25)

 

 

 Introduction.

 

 

« 68. Les Evangiles, commencens à l’Advent [l’Avent, les quatre semaines précédant la naissance du Christ], couvertes de cuir rouge rayé [portant des rayures], escriptes en grosse lettre de forme, en latin. »

  

La mention de l’Avent indique qu’il s’agit d’une édition liturgique.

 

 

« 69. Le Psaultier glosé en latin, couvert de cuir rouge marqueté, escript en lettre de forme, tout neuf. »

 

« 70. Les Concordances de la Bible, en latin, couvert de cuir rouge marqueté, lettre de forme, enluminées, à quatre fermoers. »

 

Établir des Canons de concordances entre les passages similaires d’un évangile à l’autre était indispensable au lecteur : sans ces Concordances, il lui était impossible de retrouver un épisode de la vie de Jésus narré communément par l’un ou l’autre des trois Synoptiques et par l’évangile de Jean. C’est vers 1235 qu’une équipe de dominicains réunis autour de l’exégète et théologien Hugues de Saint-Cher (début du XIIIe s.–1263), au couvent Saint-Jacques de Paris, s’attela à la tâche. Les Concordances qui s’élaborèrent dans les siècles suivants s’appuyèrent sur ces travaux fondateurs.

 

(à suivre.)

 

 

 

samedi, 08 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (24)

 

 

 

 Introduction.

 

  

 

« 65. Le livre de Gressisme, tout neuf, enluminé, sans gloses, couvert de rouge marqueté, en latin. »

 

Il s’agit du « Graecismus, traité grammatical en vers latins, composé au douzième siècle, par Éverard de Béthune » (Le Roux de Lincy), un grammairien flamand de la ville d’Arras (11- ?-vers 1212). Il semble cependant que ce traité fut plutôt écrit ou publié au début du XIIIe siècle, vers 1212.

 

« 66. Le livre de Doctrinal, neuf, sans gloses, enluminé, couvert de cuir rouge marqueté, en latin. »

 

Il s’agit de l’ouvrage Doctrinale Puerorum (1209), une grammaire moralisée, en vers hexamètres, à vocation pédagogique, et qui connut un immense succès, au point de devenir un classique jusqu’au XVe siècle. Son auteur est Alexandre de Villedieu (vers 1175-1240), un poète et grammairien français qui tenait école à Paris.

 

 « 67. Le livre de Macommet, en latin, couvert de cuir rouge plain, en lettre de forme, et aucunement glosé. »

 

« Macommet » désigne Mahomet, comme deux livres cités ci-dessous le montrent ; ainsi, cet ouvrage est le Coran, que l’on appelait alors Alcoran. En 1142, l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable (vers 1093-1156) en avait commandé la première traduction en latin, sous le titre Lex Mahumet pseudoprophete (« La Loi du pseudo-prophète Mahomet »), au théologien Pierre de Poitiers, au savant Herman le Dalmate, au traducteur Pierre de Tolède, à l’érudit anglais Robert de Ketton et à un musulman nommé Mohammed. Il n’y eut pas d’autre traduction en latin avant le XVIe siècle. La première traduction en français date du XVIIe siècle.

Pierre Barbatre (vers 1420 ? – après 1480), un moine bénédictin du prieuré de la Madeleine, dans la Loire, fit le récit d’un voyage qui le mena jusqu’en Terre Sainte. Il note, à la date du jeudi 27 juillet 1480, qu’« en Rame [Er-Rama, un village palestinien situé à 8 kilomètres au nord de Jérusalem ?] sont plusieurs temples ou églises selon leur loy de Macommet » en distinguant ces derniers des édifices chrétiens. (Cf. Voyage de Pierre Barbatre à Jérusalem en 1480, par Pierre Tucoo-Chala et Noël Pinzuti, Éditions Renouard, 1972.)

Plus explicitement encore, dans le Voyage de Georges Lengherand, mayeur [maire] de Mons en Haynaut, à Venise, Rome, Jérusalem Mont Sinaï & Le Kayre (1485-1486), l’auteur écrit : « Ilz tiennent la foy des Mores et Sarrasins qui est la loy de Macommet, lequel fut un homme diabolicque plain de hérésies et ennemy de toute verité. Il fut né de Arrabie (…). [Macommet] fit ung livre nommé Alcoran, plain de hérésies, lequel les diz Mores et Sarrasins observent comme les Crestiens l’Evangille ». (Cf. Voyage…, avec introduction, notes, glossaire, etc., par le marquis de Godefroy-Ménilglaise, Éditions Masquillier & Dequesne, 1861.)

 

 

(à suivre.)

 

 

 

mercredi, 05 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (23)

 

 

 

 Introduction.

 

  

 

 

 « 61. Les Espistres Sidonne, couvertes de cuir vert plain, en lettre de forme encienne, en latin. »

 

Il s’agit de l’écrivain, évêque et homme politique gallo-romain Sidoine Apollinaire (430-486), devenu saint de l’Église catholique. Il écrivit des poèmes et nombre de Lettres, destinées à être publiées, adressées à des puissants de son temps, à la manière de Pline le Jeune ou de Symmaque. Ces lettres évoquent des sujets très divers, des portraits de contemporains, des réflexions philosophiques, des louanges à son destinataire, des anecdotes personnelles, des « choses vues », etc. En voici un exemple :

« On vient de bâtir à Lugdunum [Lyon] une église, dont la perfection est due aux soins du pape Patiens [l'évêque de Lyon], homme saint, courageux, sévère, compatissant, et qui, par ses abondantes largesses, par son humanité envers les pauvres, donne la plus haute idée de sa vertu. Sur la demande du pieux évêque, j'ai fait graver à l'extrémité de cette église des vers à triple trochée, faits à la hâte, genre de poésie qui m'est encore très familier, et dans lequel tu excelles. Les hexamètres de deux poètes illustres, Constantius et Secundinus, embellissent les côtés de la basilique, voisins de l'autel ; une certaine pudeur me défend de te les transcrire ici, car je ne t'offre qu'en tremblant les fruits de mon loisir, et je serais écrasé par le voisinage de vers bien supérieurs aux miens. Et, comme rien ne convient moins à une nouvelle mariée qu'une conductrice plus belle qu'elle-même ; comme un homme d'un teint basané paraît beaucoup plus noir, s'il est vêtu de blanc : ainsi les faibles sons de mon chalumeau vont se perdre au milieu des trompettes retentissantes ; et c'est moins son peu de mérite, que l'audace avec laquelle il ose se placer auprès d'elles, qui en fait mieux sentir encore toute la faiblesse. Les inscriptions des autres poètes éclipsent donc bien justement la mienne par leur éclat ; je l'ai tracée en quelque sorte au hasard et sans trop d'attention. Mais à quoi bon tout ceci ? Laissons le modeste chalumeau murmurer le chant qu'on lui demande. » (Lettre X à Hespérius, Livre II des Épîtres (Source).)

 

 

« 62. Le livre des Pars et Chatonnet, en ung volume, couvert de cuir vert, escript en lettre de forme, historié et enluminé ; et sont les dits Pars à l’usage d’Italie, en latin. »

Voir le livre 29. Cependant, je ne sais pas ce que désignent les « Pars ».

 

« 63. Ung Logique, couvert de cuir vert, sans aiz [« ais », feuillet de bois utilisé pour la reliure], en lettre courant, en latin. »

Voir le livre 42.

 

« 64. Le livre des diverses matières, couvert de cuir vert plain, contenant plusieurs traictiés d’astronomie et autres choses, en latin. »

Les auteurs des traités rassemblés dans ce livre me restent mystérieux. « Le livre des diverses matières » ne semble pas être tout à fait le titre d’un ouvrage, mais plutôt l’expression générique désignant la réunion, en un seul livre, de divers traités, en particulier sur l’astronomie.

 

 

(à suivre.)

 

 

lundi, 03 mars 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (22)

 

 

 

 

 Introduction.

 

  

 

 

« 60. Les Espistres Pierre Desvignes, couvertes de cuir vert, escriptes en latin, lettre courant, figurées en aucuns lieux, en latin. »

 

Pierre Desvignes, ou Pier delle Vigne, ou Pierre des Vignes, ou encore Pierre de la Vigne (vers 1190-1249), fut un poète, et un juriste renommé pour son éloquence ornée : il devint le chancelier de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen ou Frédéric II du Saint-Empire (1194-1250). Il s’attira des jalousies. Ses ennemis l’accusèrent à tort d’avoir révélé au pape Innocent IV les secrets de l’empereur ; ce dernier crut à ces calomnies : il dépouilla Pierre des Vignes de ses dignités, lui fit crever les yeux et l’emprisonna. Le poète et ancien chancelier, par désespoir, se brisa la tête contre les murs de sa prison (ou d’une église, selon les sources).

C’est lui qu’évoque Dante au Chant XIII (58-59) de L’Enfer et qui proclame : « Je suis celui qui détient les deux clefs du cœur de Frédéric » :

Io son colui che tenni ambo le chiavi

del cor di Federigo…

 

 

(à suivre.)

 

 

jeudi, 27 février 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (21)

 

 

 

 

 

 

 Introduction.

 

 

 

« 54. Le livre de Juvenal avecques Therence, couvert de cuir rouge plain, escript en lettre ancienne ; et il y a plusieurs autres traictiés. »

Pour Térence, je renvoie au livre 27. de cet inventaire.

Juvénal (vers 45/65 – après 128 ?) est l’auteur latin des Satires (90-127), implacable peinture des mœurs dépravées du temps de la Rome impériale.

 

« 55. Virgile avec Stace, Eneydos, couvert de rouge plain, escript en vieille lettre de forme, en latin, et plusieurs autres matières [ici, « sujets »] et acteurs [ici, « auteurs »]. Macrobe, avecques Thérence, de pareille lettre, volume et couverture ; et autres traictiés, en latin. »

De l’Énéide (entre 29 et 39 avant J.-C.) de Virgile, je signale à mon Lecteur la belle et récente traduction de Paul Veyne, aux éditions Albin Michel (novembre 2012).

Le poète latin Stace (vers 40-après 96) est l’auteur des Silves (ou Impromptus), poèmes de circonstance commandés à l’auteur par les puissants de son temps afin de célébrer naissances, mariages et fêtes ; il est également l’auteur de l’épopée la Thébaïde, qui raconte la guerre des chefs d’Argos contre Thèbes, et de l’épopée inachevée l’Achilléide, narrant la geste d’Achille.

De l’écrivain latin Macrobe (vers 370-après 430), il nous reste les Saturnales, dialogues et « propos de table » sur divers sujets (les fêtes religieuses, dont les Saturnales, fêtes romaines ayant lieu durant le solstice d’hiver en l’honneur de Saturne, la littérature, l’histoire, la philosophie…) et le Commentaire au « Songe de Scipion » de Cicéron, commentaire d’un extrait du texte perdu De Republica de Cicéron, dont le passage sur le rêve du questeur, consul et censeur romain Scipion Émilien (rêve où Scipion se voit révéler l’immortalité de l’âme) est le seul qui a été conservé, grâce à l’ouvrage de Macrobe.

Pour Térence, je renvoie encore au livre 27. de cet inventaire.

 

« 56. Virgile avec Juvenal, couvert de cuir rouge plain, escript en latin, lettre encienne de forme. »

Voir le livre 55. pour Virgile (mais peut-être s’agit-il des Bucoliques ou des Géorgiques, et non de l’Énéide ?), et le livre 54. pour Juvénal.

 

« 57. Le livre de Boece, couvert de rouge plain, avecques plusieurs Sommes et Traictiés de droit canon, escript en lettre de forme encienne, en latin. »

Voir les livres 24, et 46.

 

« 58. Le livre de Virgile, Maronis et Eneydos, couvert de cuir rouge plain, en lettre encienne. »

Une erreur s’est manifestement glissée dans cette ligne de l’inventaire, « Maronis » n’étant pas une œuvre de Virgile, mais l’un des noms de l’auteur, Publius Vergilius [Virgile] Maro [Maronis]. Il faut donc lire : « Le livre de Virgile Maronis, Eneydos… ».

Voir le livre 55.

 

 « 59. Le livre de Virgile Maronis, avecques plusieurs autres choses de lui, couvert de vert plain, moult caduque [dégradé, altéré, gâté]. »

Voir les livres 55., 56. et la remarque sur le livre 58.

 

(à suivre.)

 

 

lundi, 24 février 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (20)

 

 

 

 Introduction.

 

  

  

 

« 52. Les Hympnes, en latin et en françois, couvertes de cuir vert, en lettre courant, neufves. »

   

Je pense que ces Hymnes sont des collections de chants chrétiens.

 

Il m’apparaît en effet peu probable que ces Hymnes désignent des chants grecs (poème et musique) tels que les Hymnes à Apollon – nombre de ces œuvres, d’ailleurs très fragmentaires, n’étaient que peu, voire pas du tout connues du temps de Charles d’Orléans. Des Hymnes (l’Hymne au Soleil, l’Hymne à Némésis) de Mésomède de Crète, au IIe siècle, le citharède attaché au service de l’empereur Hadrien (et qui écrivit, en l’honneur du bel Antinoüs, favori d’Hadrien, des Panégyriques), avaient certes survécu à travers des manuscrits médiévaux. Mais les Hymnes de Delphes, datant du IIe siècle avant J.-C., ne furent découverts qu’en 1893-1894 par l’érudit et archéologue Théodore Reinach.

 

 « Chanter une hymne », dans le Nouveau Testament, c’est, dans le sillage des chants vétérotestamentaires, adresser un cantique à Dieu afin de le louer, de l’adorer, de lui rendre grâce. Les hymnes forment, avec les psaumes et les cantiques, l’éventail du chant des premiers chrétiens.

 

Ainsi les Douze, juste après l’institution de l’eucharistie, se mettent à chanter. Selon la traduction du chanoine Crampon (1923), et je souligne : « Après le chant de l’hymne, ils s’en allèrent au mont des Oliviers » (Marc, 14, 26 ; Matthieu, 26, 30). De même, dans Les Actes des Apôtres (16, 25), durant la mission de Paul en Macédoine et sa captivité, Luc (?) écrit : « Or, vers le milieu de la nuit, Paul et Silas, étant en prière, chantaient des hymnes à Dieu, et les prisonniers les écoutaient ». Dans l’Épître aux Éphésiens (5, 19), son auteur Paul les exhorte ainsi : « Entretenez-vous les uns les autres de psaumes, d’hymnes et de cantiques spirituels, chantant et psalmodiant du fond du cœur en l’honneur du Seigneur ». Dans l’Épître aux Colossiens (3, 16), nous lisons : « Que la parole du Christ demeure avec vous avec abondance, de telle sorte que vous vous instruisiez et vous avertissiez les uns les autres en toute sagesse : sous l’inspiration de la grâce que vos cœurs s’épanchent vers Dieu en chants, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels. »

 

Demeure le problème du contenu de ce livre d’Hymnes, et de leurs auteurs, qu’il n’est pas possible de déceler. Mais peut-être ai-je négligé quelque piste ?

 

  

 

« 53. Le Service de la Chapelle du roy, couvert de cuir rouge marqueté, en ung bien petit volume, lettre de forme. »

 

La Chapelle du roi était constituée d’un ensemble d’ecclésiastiques chargés d’assurer la célébration du service divin à la cour de France : confesseurs, chapelains, aumôniers, clercs de l’aumône, sommeliers. S’agit-il d’une liste des noms de ces personnages et de leurs attributions au temps de Louis ou de Charles d’Orléans ?

 

  

 

(à suivre.)

 

 

 

samedi, 22 février 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (19)

  

 

 

 Introduction.

 

 

 

« 49. Logique, couvert de vert, sans aiz [« ais », feuillet de bois utilisé pour la reliure], historiée et paragraffée à or [avec l’ajout de signes dorés destinés à marquer le début d’un passage], escript en lettre courant, en latin. »

 

Voir le livre 42.

 

 

« 50. Le livre d’Horace, avecques plusieurs Sommes et Traictiés de droit canon et autres vieilles choses, couvert de cuir vert, en lettre de forme ancienne, en latin. »

 

Le laconisme de cette description empêche de connaître lesquelles des œuvres d’Horace (65-8 avant J.-C.), s’il s’agit bien du poète latin, étaient éditées dans ce livre, ainsi que la nature de ces Sommes, Traités et autres vieilles choses… Je ne vois d’ailleurs pas très bien, voire pas du tout !, pourquoi des œuvres de droit canon étaient éditées avec les œuvres d’Horace. (Trouver Horace…)

 

 

« 51. Le grant Chaton, couvert de rouge, sans aiz [« ais », feuillet de bois utilisé pour la reliure], escript dessus .j. Chanteprime, intitulé de Senectute, avecques .i. [un] autre livre intitulé Asinarius, escript en lettre courant, historié et enluminé. »

 

Le traité Caton l’Ancien ou De la vieillesse (« grant Chaton », « de Senectute »), en latin Cato Maior de Senectute, est une œuvre de Cicéron, publiée en 44 avant J.-C. Il s’agit d’un dialogue imaginaire entre les deux vieillards Caton l’Ancien et Atticus et leurs jeunes amis Lélius (Caïus Laelius Sapiens) et Scipion Émilien, dialogue où l’éloge de la vieillesse, âge de sagesse, est à la fin proclamé.

J’ai trouvé la trace d’un certain Jehan Chanteprime, « Trésorier & Gardes des Chartres du Roy » vers 1405, dans les Ordonnances des Rois de France de la troisième race, contenant notamment des lettres de Charles VI. Peut-être Louis d’Orléans lui avait-il acheté ce livre sur la couverture duquel figurait encore son nom ?

Asinarius est un livre qui a conservé malgré mes recherches tout son mystère. Il ne figure pas parmi les titres des œuvres de Cicéron ayant traversé les siècles. Le plus curieux est que le terme, qui désigne « ce qui est relatif à l’âne » ou l’ânier, le conducteur d’ânes, fut utilisé, au début du christianisme, par les adversaires de la jeune religion qui surnommaient ainsi les chrétiens, accusés d’adorer une tête d’âne. Ce n’est peut-être pas un ouvrage de Cicéron, mais alors ?...

 

  

(à suivre.)

 

 

 

 

jeudi, 13 février 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (18)

 

 

Introduction.

 

 

 

« 47. Le livre d’Aristote, en lettre de forme, neuf, historié et enluminé, en latin, de Secretis secretorum, et Regimine principum, couvert de cuir rouge marqueté, en latin. »

Le Secret des Secrets est une encyclopédie, écrite sous la forme d’une vaste lettre, traduite d’un livre anonyme arabe du Xe siècle, le Kitâb sirr al-‘asrâr (Le Livre des secrets) et faussement attribuée à Aristote : ce dernier aurait là composé un « miroir du prince », conseils divers à destination d’Alexandre le Grand, dont le Stagirite avait été le percepteur, au moment de la conquête de la Perse. Le livre a été traduit en latin par un clerc nommé Philippe de Tripoli, dont nous ignorons tout, après 1227. On y trouve des exposés de politique, de morale, d’alchimie, d’astrologie, de médecine, de magie… C’était en quelque sorte la référence encyclopédique du bas Moyen Âge.

La mention « et Regimine principum » désigne un chapitre de ce texte, consacré aux principes d’hygiène de vie (le « régime »).

 

 

« 48. L’Istoire de la vie et naissance d’Alixandre, avecques poetes, escript en lettre ancienne, couvert de cuir vert, en latin. »

Il me semble que cet ouvrage désigne l’une des versions du Roman d’Alexandre du Pseudo-Callisthène, un écrivain inconnu, égyptien, ou grec d’Égypte (IIe ou IIIe siècle après J.-C. ?), ou d’un ensemble d’auteurs anonymes réunis sous ce même nom. Du véritable Callisthène (né vers 360 avant J.-C. et mort vers 327), contemporain et biographe d’Alexandre le Grand, les chroniques étaient perdues depuis longtemps, et de nombreux textes apocryphes, versions légendaires de la vie du conquérant macédonien, naquirent de ce manque.

La mention « avecques poetes » signifie-t-elle que l’on trouvait, à la suite des légendes, des œuvres telles que Li Romans d’Alixandre d’Alexandre de Bernay (ou Alexandre de Paris) (XIIe siècle), récit en vers dodécasyllabes qui prirent là pour la première fois le nom d’alexandrins ?

 

 

(à suivre.)

 

 

 

mardi, 11 février 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (17)

 

 

 Introduction.

 

 

 

« 42. Le commencement de Logique, en papier. »

 

« Les Traités de logique au moyen âge se composaient des traductions latines faites par Boèce, d’après les livres d’Aristote. C’étaient ordinairement de petits livres tracés dans une écriture extrêmement fine et extrêmement abrégés. Lorsqu’ils sont complets, ces livres contiennent les Catégories, le livre Peri Ermenias, les Analytica priora et posteriora, les Topiques, le de Sophisticis elenchis. » (Le Roux de Lincy)

Ces derniers livres sont issus du corpus aristotélicien, l’Organon, titre qui sert à désigner l’ensemble des traités de logique écrits par le philosophe grec ou qui lui sont attribués.

 

 

« 43. L’Apocalipce figurée [ornée de figures, de symboles], couverte de parchemin. »

 

Il s’agit naturellement du livre qui clôt le Nouveau Testament, l’Apocalypse selon Jean.

 

 

 « 44. La Légende dorée, en françois, couverte de cuir blanc, en lettre de forme, historiée. »


Voir le livre 3. de cet inventaire.


 

« 45. Un Messel [Missel] qui estoit escript en l’inventoire dont cestui [celui-ci] est extrait et est couvert de cuir rouge marqueté, sans fermoers, escript en lettre de forme, historié, tout neuf. »

 

Il existait ainsi un inventaire précédent dont celui-ci s’inspire ou qu’il parachève.

 

 

« 46. Ung livre de Boesce, de Consolacion, tout neuf, couvert de cuir rouge marqueté, en lettre courant, enluminé, en latin. »

 

Voir le livre 24. On notera que Boèce est orthographié Boece et Boesce dans le même document.

 

 

 

(à suivre.)