Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 22 septembre 2016

Au Sri Lanka — Notes de carnet (2)

 

 

 

Mardi 19 avril 2016 (le matin, en voiture)

 

Sur la route vers Anurâdhapura, je vois mille paysages, mille points de vue et j’aimerais tant m’y arrêter ; mais la voiture file, et il le faut, car la route est longue, toujours, semble-t-il, ici : il n’y a que des routes sinueuses, encombrées – nulle voie rapide. Je suis comme le voyageur d’un train qui profite des ralentissements pour saisir et « immortaliser » ses regards au gré du temps…

Rizières, montagnes au loin, rizières, rizières, rizières ; et dans les rizières, des hommes et des femmes qui travaillent dur, les pieds dans l’eau, sous l’œil de hérons blancs. Souvent nous traversons une sorte de jungle, où poussent des arbres immenses, des cocotiers (dont les fruits peuvent tomber à tout instant), des banians, des plantes que je ne sais pas nommer (mais en France également, si je reconnais les différences entre nombre de végétaux, je ne sais bien souvent leur donner un nom – c’est un vrai défaut).

Toujours cette chaleur intense, aqueuse, nouvelle, épouvantable pour moi, et qui devrait m’apprendre quelque chose (?) ; un martin-pêcheur le long de la route, lors d’une halte brève, adorable oiseau minuscule et fragile et si fort ! ; et encore ces monts lointains.

Des temples, des monastères bouddhistes, des autels, le long du chemin. Des statues rouges, blanches, dorées, incalculables, défilent devant mes yeux ; je n’ai du bouddhisme qu’une connaissance livresque, mais l’admiration livresque que j’en ai cède le pas à un enchantement profond : ces sites sont cet enchantement qu’il me faut approfondir.

 

(...)

 

 

mardi, 20 septembre 2016

Au Sri Lanka — Notes de carnet (1)

 

 

Lundi 18 avril 2016 (quatre heures du matin, en voiture)

 

Une chaleur intense, profonde, humide, l’haleine brutale d’un four encore accentuée par de gigantesques soufflets : cette première sensation de l’air du Sri Lanka, dès les premières heures du matin, à la sortie de l’aéroport, est une épreuve douceâtre et redoutable à la fois. La terre, les murs, chaque arbre, chaque caillou sont imprégnés de cette touffeur, de cette moiteur lourde.

Voyager presque un jour entier pour atteindre, de France, le cœur du Sri Lanka, c’est aujourd’hui si banal, semble-t-il, et cependant c’est immense ; les distances matérielles semblent abolies — non pas les distances mentales.

J’arrive au Sri Lanka dans sa nuit. Dans le petit véhicule (sans jeu de mots…) qui me conduit à l’hôtel, j’aperçois des formes sombres, des silhouettes de maisons minuscules, des tas de bois fantomatiques, des affiches, des pancartes illisibles (mais je devine ces élégantes lettres bouclées qui forment l’écriture de ce pays), des bouddhas éclairés dans des niches, et souvent une véritable jungle, des arbres inconnus. Après toutes ces heures de voyage, je suis épuisé ; mais je ne puis dormir ; je voudrais déjà tout voir, tout visiter.

Je suis au Sri Lanka, je suis au Sri Lanka, me dis-je ! L’étonnante émotion d’être là, d’être là si loin.

 

***

(Plus tard)

 

Au Sri Lanka le ciel est bleu… Qu’avais-je imaginé ? Que le ciel y serait vert, les nuages jaunes, les arbres bleus ? Tout cela n’a pas changé. Mais c’est l’air, c’est la lumière qui ont changé ; je n’avais jamais vu cette lumière à la fois pâle et violente, je n’avais jamais senti cet air épicé, lourd, avec je ne sais quoi de transpirant...

L’hôtel où je viens d’arriver est splendide. Je goûte très peu l’aventure, et je n’envisage le voyage que dans la perspective de quelque halte à l’hôtel, le soir. Des nuits à la belle étoile je n’aime que l’expression, et tout ce qui a trait au camping me fait horreur, avec son cortège de contraintes matérielles plus ignobles encore que celles qui nous affligent au quotidien. Je crois qu’aujourd’hui je suis dans l’un des plus beaux hôtels que j’ai jamais habités, avec celui de l’Impératrice Zita, à Lekeitio, dans le pays basque espagnol. Je me moque du luxe, bien souvent, il ne m’intéresse pas pour lui-même ; seul m’importe ce qui est rêveur et beau, et dans un hôtel un lit propre, une table, une chaise et de l’eau chaude me suffisent amplement – et la vue, les vues par la fenêtre ou sur les terrasses. Je préfère mille fois l’hôtel de Calais, au Tréport, à un palace. Le luxe, aujourd’hui, est bien souvent vulgaire, il est à l’image de ce que nous apercevons des appartements des milliardaires américains ou saoudiens : tapageur, clinquant ; une prétentieuse laideur dorée. Or cet hôtel est à la fois beau et luxueux ; tout ici est spacieux, aéré, lisse, lumineux. Au loin, par-delà l’immense piscine, s’élève le Rocher du Lion, à Sigirîya, l’une des anciennes capitales royales de Ceylan, fondée par le roi Kassapa au Ve siècle. Sur ce Rocher, j’ai lu que l’on peut voir les ruines d’une forteresse et d’un palais.

 

***

 

Il y a de petits écureuils innombrables qui se promènent dans le parc de l’hôtel ; j’entends des cris de paons, des cris de singes, des cris de bêtes que je ne connais pas ; je suis au cœur d’une véritable ménagerie !  

 

(...)

 

 

 

mardi, 30 août 2016

D'un jardin

 

 

 

Il arrive bien souvent qu'un poème soit un regard retrouvé.

 

 

 

 

20:10 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Sur le poème | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

D'un ailleurs

 

 

 

L'un présente son programme politique mensonger, l'autre en démissionnant prétend rompre avec quelque programme vain et en inaugurer un nouveau, un autre encore commente ces ineptes événements : mais qu'avons-nous affaire avec ces gens dont toute la parole et toute l'existence sont une insulte à la beauté, à la présence de l'être au monde, à notre jour, à notre nuit ?

 

 

 

19:36 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 26 août 2016

Ô saisons, Ô châteaux !

 

 

 

 

champs.jpg

 

Le château de Champs (1699-1707), à Champs-sur-Marne,
photographie : février 2016.

 

 

 

 

mardi, 23 août 2016

Les herbes fanées

 

 

 

Il me semble, ôtant de nombreux livres de ma bibliothèque afin de m'en débarrasser, que je déconstruis pierre après pierre des pans de mur de la maison déjà fragile où je vis, et que je rends celle-ci plus vulnérable encore à l'hostilité du monde. Et dans mes rayonnages encombrés je crée des trouées qui m'apparaissent autant d'années qui ont passé. Ces livres que, pour certains d'entre eux, je m'étonne d'avoir aimés, et que, je le sais, je ne relirai plus, ces livres me sont d'anciens regards ; je ne les regarde plus qu'avec amusement, ou nostalgie.

 

Le jargon des bibliothécaires qualifie de "désherbage" l'acte d'éliminer quelque surplus de livres : ce sont bien là des herbes, non point toutes mauvaises, que j'arrache à ma demeure, pour un autre jardin un jardin plus mûr ?

 

 

 

14:28 Écrit par Frédéric Tison dans Autour du livre, Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (5) |  Facebook |

mercredi, 17 août 2016

Toute l'eau de la mer

 

 

 

 

Magnasco - Augustin.jpg

 

 Alessandro Magnasco (1667-1749), Saint Augustin et l'enfant (vers 1740), détail,
exposition "Alessandro Magnasco, les années de la maturité",
à la Galerie Canesso, au 26, rue Lafitte, Paris IX,
photographie : janvier 2016.

 

 

(Selon les moines médiévaux qui aimaient à se raconter cette histoire, saint Augustin, un jour qu'il se promenait au bord de l'océan, cherchant à pénétrer le mystère de la Trinité, avisa soudain un jeune enfant qui allait et venait sans cesse du rivage à la mer. L'enfant avait creusé un trou dans le sable où il versait l'eau dont il avait rempli des coquillages.

Intrigué, l'évêque d'Hippone demande à l'enfant la raison de son manège :

— J'essaie de mettre toute l'eau de la mer dans ce cratère, répond l'enfant.

— Voyons, mon enfant, ce n'est pas possible ! s'exclame le théologien.

— C'est vrai, dit l'enfant. J'aurai cependant puisé toute l'eau de la mer avant que vous ayez compris le mystère de la Sainte Trinité.)

 

 

 

lundi, 08 août 2016

Cet instant

 

 

 

Si peu lus, les livres de poèmes que l'on peut être sûr, un soir, ce soir, d'être le seul et l'unique à lire ce poème.

 

 

 

 

mercredi, 13 juillet 2016

Une somme de lenteur

 

 

 

C'est peut-être la lenteur qu'aime notre regard devant un tableau contemplé et aimé, davantage que le temps suspendu qu'il suppose parfois, davantage que le passé qu'il représente dans l'éternel instant du dessin et de la couleur. De même qu'il est une peinture silencieuse, celle, notamment, des natures mortes, il est une peinture lente, qui ne saurait être indolente ni paresseuse : sa lenteur est celle des immenses allées, des lointaines perspectives de Le Nôtre, et des hauts arbres qui les bordent.

 

 

 

07:54 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Musée d'un regard | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 08 juillet 2016

Parenthèse

 

 

 

Il m'a souvent semblé que, dans la musique moderne la plus haute (je parle de Claude Debussy, de Maurice Ravel, de Richard Strauss, de Jean Sibelius notamment), fut introduite, parmi les thèmes et les motifs, la figure de la parenthèse, que la ligne mélodique emprunta à l'écrit.

 

 

 

mardi, 05 juillet 2016

Lire Georges Minois

 

 

 

Il est deux types d'hommes artistes, et artistes méconnus, pour lesquels j'ai une admiration inconditionnelle, ou presque : les médecins et les historiens, d'abord reconnus pour leur compétence scientifique. Avec Paul Veyne et Michel Pastoureau, un de nos meilleurs historiens contemporains continue aujourd'hui de publier des sortes de chefs-d’œuvre d'intelligence et de culture : je parle de Georges Minois, dont je lis en ce moment l'Histoire du Moyen Âge, parue il y a quelques semaines, en avril 2016, aux éditions Perrin. D'un tout autre auteur, je n'aurais sans doute pas fait attention à la publication d'un livre sur ce sujet mille fois traité ; n'ai-je pas déjà lu les ouvrages de Jacques Le Goff, de Georges Duby, de Jacques Heers ? Mais non : c'est le nouveau livre de Georges Minois ! Comment ignorer le nouvel ouvrage de l'auteur magnifique de l'Histoire du rire et de la dérision, celui de l'Histoire de la solitude et des solitaires (parmi vingt ou trente livres d'histoire "sociale"), celui de la Guerre de Cent Ans, comment négliger le biographe passionnant, entre autres, de Du Guesclin, de Charles VII et de Bossuet ?

 

Et cette Histoire du Moyen Âge est admirable ; cela m'enchante mais ne me surprend pas : Georges Minois écrirait un livre sur l'histoire de la tondeuse à gazon que je me précipiterais dans une librairie pour l'acquérir.

 

(L'historien déplore bien souvent l'effondrement du sentiment historique, à travers l'idéologie qui s'observe dans les ruines pédagogiques de l'école républicaine contemporaine : que ne consulte-t-on Georges Minois pour l'élaboration des programmes à destination de nos jeunes têtes ?)

 

 

 

18:11 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 01 juillet 2016

À l'oreille de Terme

 

 

 

 

Un secret d'en haut 2.jpg

 

 

Un secret d'en haut 1.jpg

 

 Hippolyte Moulin (1832-1883), Un Secret d'en haut (Salon de 1875), marbre, détails,
au musée d'Orsay,
photographies : janvier 2016.

 

 

(Que révèle Mercure à ce Terme (Terminus), le dieu gardien des Bornes, dans ce groupe de marbre au titre si beau ? Le détail des amours et des intrigues de l'Olympe, ou bien quelque objet d'hilarité plus grand, ou encore quelque secret doré ?)

 

 

mardi, 28 juin 2016

Pot aux roses

 

 

 

Il me semble souvent que, lorsqu'on écrit d'une photographie qu'elle est une photo, c'est comme si l'on disait d'un poème qu'il est un po.

 

(Il faut déplorer les abréviations inutiles, laides et paresseuses.)

 

 

 

jeudi, 23 juin 2016

La perte du ciel

 

 

 

L'homme des villes, en oubliant la Voie lactée qui ne peut plus s'observer, la nuit, à cause des lumières et des fumées, néglige bientôt le ciel gris ou bleu du jour ; je vois de moins en moins de gens contemplant les hauteurs ; chacun n'y jette plus guère qu'un rapide coup d’œil, et encore s'agit-il bien souvent de préoccupations météorologiques. L'homme moderne n'est-il pas celui qui, peu à peu, perd le ciel ?

 

(On n'use plus du mot supernel, que les dictionnaires qualifient, significativement, de désuet et de rare.)

 

 

 

 

05:25 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

lundi, 20 juin 2016

Une autre lenteur

 

 

La plus exquise lenteur, parsemée de silences, traverse la musique de Satie : c'est de celle-ci que nous avons besoin, un jour de pluie, c'est ce jour auquel elle répond, et c'est celle-ci que nous appelons pour redoubler la pluie la plus douce. On dirait que chaque note précède, retarde et attend à la fois chaque goutte de pluie qui touche nos toits.

 

 

 

Érik Satie, florilège par Branka Parlic.
(Le dernier morceau est estompé et coupé, mais l'interprétation est si belle et si neuve...)