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mercredi, 27 janvier 2016

Le trobar

 

 

 

J'ai souvent pensé que Mallarmé avait tenté, à sa manière, de proposer les trois facettes, les trois "styles" du trobar médiéval : le trobar leu, cet art léger du poème, clair, "facile", serait illustré par ses vers de circonstance ; le trobar ric, ce style resplendissant, puissant, aux arcanes complexes et raffinés (si bien qu'il est souvent difficile de le distinguer du troisième style) par Hérodiade et une bonne moitié de ses Poésies ; le trobar clus, alchimique, clos, "hermétique", celui de Raimbaut d'Orange, par le Faune, et les Sonnets, parmi lesquels, bien sûr, celui du ptyx.

 

 

 

 

06:55 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Sur le poème | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

jeudi, 21 janvier 2016

Le lecteur, ses livres et ses lectures

 

 

 

Quelqu'un, me voyant attablé à une terrasse de brasserie, se joint à moi et, constatant que je lis Les Entretiens du Bouddha, me dit : « Ah, tu es bouddhiste ? »... Mais bien sûr, lorsque je lis les Propos de table ou Du serf arbitre de Luther je suis en train de me convertir au protestantisme, et le lendemain, tandis que je feuillette les Hymnes delphiques ou les Chants à Orphée j'ai bien l'intention de renier mon baptême, interroger la Pythie, devenir quelque myste d'Éleusis ou sacrifier à Cybèle.

 

 

 

Si quelques ailes

 

 

 

 

Si j'étais historien d'art et si j'avais le temps de l'être, j'écrirais l'histoire de l'ystoire des ailes selon la peinture et selon les livres sacrés, et je publierais un livre rempli d'ailes, avec tous les regards.

 

 

 

20:55 Écrit par Frédéric Tison dans Autour du livre, Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook |

mercredi, 20 janvier 2016

Nostos algos

 

 

 

Le nostos est, en grec ancien, le retour, et l'algos la souffrance. Le nostos algos, c’est le mal du retour, le mal du pays, qui a donné le mot nostalgie ; c'est celui de Jaufré Rudel, prince de Blaye, en Aquitaine, un mal du retour dont le troubadour élargit encore le sens en l'associant au sentiment de l'amor de lonh, cet amour de loin pour une princesse de Tripoli (était-elle Hodierne de Jérusalem, ou sa fille Mélisende* ?) qu'il n'avait jamais vue et pour laquelle il écrivit les sept chansons qu'il nous reste encore de lui ; c'est seulement lors de la deuxième croisade qu'il la rencontra, pour mourir dans ses bras. Nous souvenant de Jaufré Rudel et de sa Dame lointaine, nous renouvelons encore la nostalgie, en la répandant sur un XIIe siècle que nous n'avons pas connu.

 

___________

*Oui.

 

 

 

 

06:44 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

samedi, 16 janvier 2016

La mauvaise ponctuation

 

 

 

 

S'il est loisible d'observer que l'orthographe est plus ou moins en train de sombrer chez nos contemporains, de même que la syntaxe, il me semble également qu'on attache de moins en moins d'importance à la ponctuation. Le désamour de la langue s'étend jusqu'à elle.

 

Une ponctuation fautive m'a toujours fait penser à un jardin qu'on néglige, à la coquille dans un poème, au pan de chemise qui dépasse du pantalon de l'un, à la cravate de travers de l'autre.

 

Présence incongrue d'espaces avant les virgules et les mots encadrés de parenthèses, oubli des blancs au contraire entre la virgule et le mot qui lui succède, comme avant les points d'exclamation et d'interrogation, sans oublier les deux points : tout cela dessine sur nos pages et nos écrans des monstres de phrases, hideurs pour nos yeux.

 

Prenons ces deux vers du poème « Le Cygne » :

 

Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel) ;

 

Et observons ceci, écrit, avec très peu d'exagération, selon ce que nous lisons chaque jour dans les journaux de papier, dans nos messages électroniques et sur l'Internet :

 

Le vieux Paris n'est plus (  la forme d'une ville
change plus vite ,hélas! que le cœur d'un mortel  );

 

Ne voit-on plus qu'on a là rudoyé, taché les deux vers, c'est-à-dire toute la langue ?

 

 

 

 

11:18 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 15 janvier 2016

Du temps

 

 

 

Finissons-nous par avoir le visage de nos lectures, de nos voyages et de tous les tableaux aimés par notre regard ?

 

 

 

 

06:10 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

mardi, 12 janvier 2016

Musique pour un mardi soir

 

 

 

 

 

Joseph Haydn, Symphonie n°53 en ré majeur, dite L'Impériale (1777-1780),
direction : Sigiswald Kuijken, La Petite Bande.

 

 

(La plupart des Symphonies de Haydn ne semblent-elles pas avoir été composées dans un beau parc, non loin d'un château ?)

 

 

 

lundi, 04 janvier 2016

De la nostalgie

 

 

 

J'entendais quelqu'un, un homme de pouvoir dont je tairai le nom, qui, il y a quelques jours, parlait de la nostalgie comme d'une chose néfaste, qu'il fallait négliger, effacer, laisser derrière soi. J'y vois le signe certain, de la part de cet homme et de l'élite aveugle ou hypocrite qu'il représente aujourd'hui, d'une ignorance ou d'un mépris.

Plutôt qu'une larme vaine versée sur un passé revisité, la nostalgie n'est-elle pas une ressource ? Comme on a tort d'y voir des yeux baissés, des yeux fermés !

La nostalgie, n'est-ce pas se promener aujourd'hui, aujourd'hui encore, dans un jardin dessiné par Le Nôtre tout en sachant que les fleurs que nous y admirons ne sont pas les mêmes que du temps de l'immense artiste jardinier, parce que la plupart des plantes de ce temps n'existent plus ?

N'est-ce pas se souvenir qu'un prince français, petit-fils, neveu et père de rois de France, inaugura, un jour, un concours de poésie dont le thème était « Je meurs de soif auprès de la fontaine », et dont nous pouvons lire aujourd'hui les contributions, parmi lesquelles sont des poèmes immortels ?

N'est-ce pas l'amour de la modénature, qui faisait des façades des œuvres aussi belles que des sculptures et qu'aucun immeuble, qu'aucune des tours de verre qui défigurent nos villes modernes ne sauraient aujourd'hui concurrencer, avec la beauté ?

N'est-ce pas feuilleter les Très Riches Heures d'un duc, écouter une sonate de Schubert et une Symphonie de Haydn où passent et rêvent des princes, ou bien encore contempler un port de mer peint par Claude Gellée, qui resplendit au Louvre ou à l'Ermitage ?

Ne sont-ce pas nos photographies, comme la somme impossible et cependant entr'aperçue de nos regards ?

N'est-ce pas observer un miroir pour y voir une image vieillie, mais où se souvient une image d'avant ? Et savoir que les miroirs ont des souvenirs, et qu'ils ont vu passer des morts dans leurs eaux ?

N'est-ce pas le souvenir fécond des siècles ? N'est-ce pas l'hommage à l'immense obituaire du monde ?

La nostalgie ne colore-t-elle pas le visage de l'être aimé au moment même où nous le contemplons ? La nostalgie n'est-elle pas l'amour, avec l'instant ? N'est-ce pas le sentiment de la perte, celle de la main qui se retire de la nôtre après l'amour ?

N'est-ce pas, n'est-ce pas... Mais ai-je besoin d'écrire cela, d'écrire encore sur cela, si mon Lecteur vit lui aussi dans le Royaume de Nostalgie ?

 

 

 

 

20:38 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

lundi, 28 décembre 2015

Miroir du poème

 

 

 

Il est des moments où nous pensons nous être trompés depuis toujours ; les pensées, les lectures, les images, tout ce que nous pensâmes nôtres, tout cela nous semble vain, ridicule, amer. Et puis nous relisons un poème immortel, le dizain CCCXXXV de Délie, par exemple, ou « La Vie antérieure », et l'horizon du livre se double d'un horizon de terrasse, où nous reprenons notre promenade et nous ressouvenons de nos danses.

 

 

 

05:55 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Sur le poème | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

samedi, 19 décembre 2015

Dans la tour

 

 

(...)

 


L’Hölderlinturm (la « Tour Hölderlin »), comme on la nomme aujourd’hui, est une façade, et seulement cela. Semblablement à la Nietzsche-Haus, à Sils-Maria, dans le canton des Grisons, il ne reste là du poète et de son entourage que des papiers fragmentaires, des dessins, des aquarelles, des livres – nul objet familier, nul meuble, sinon les quelques vitrines d’exposition. Au premier étage, dans la reconstitution de la petite pièce qu’habita le poète, les murs sont d’un blanc aveuglant, trop neuf ; le parquet est simple, et d’un bois clair. Comme on eût aimé la chaise, la table, l’encrier, le lit du poète, et le sofa qu’on lui livra, un jour, et dont il s’enorgueillit tant, et si naïvement, auprès de ses rares visiteurs, comme du don d’un roi au prince négligé qu’il était !


Il reste au visiteur les trois fenêtres, et la vue, les vues, sur la ville, la rivière, le ciel et les feuillages. L’air est muet ; c’est à nous de le deviner, de l’écouter… Les arbres, dehors, ont forcément changé ; y en avait-il même, dans les années 1820, 1830 ? Le Neckar coule encore, mais nos regards se souviennent du fragment d’Héraclite – et voici que la rivière ne voit pas se poser deux fois le même regard sur ses eaux.

 

(...)

 

(Extrait d'une petite étude.)

 

 

 

 

mardi, 15 décembre 2015

Le voyage

 

 

 

Suis-je allé à Tübingen, ou ai-je parcouru le rêve que la ville fait d'elle-même ?

 

 

 

jeudi, 10 décembre 2015

Les jours et les écluses

 

 

 

Que de barrages, de nos jours ! Et si peu de regards sur la source, les sources, les lacs de longue mémoire et les tempêtes qui se lèvent au-dessus des mers.

 

 

 

 

06:00 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

mardi, 08 décembre 2015

Multiplication

 

 

 

 

Les tableaux que nous contemplons lors de la visite du musée d'une ville qui nous était jusqu'alors inconnue multiplient nos voyages.

 

 

 

06:16 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Musée d'un regard | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook |

samedi, 28 novembre 2015

Les images antérieures

 

 

 

Les images que nous rapportons de nos voyages ne sont-elles à la fin que pour nous seuls ? Sont-elles, comme l'on dit d'un message auquel nul écho ne se manifesta, dont nulle réponse ne fut reçue, qui n'enclencha aucun échange, qu'il est resté lettre morte — sont-elles des images mortes ?

 

Les regards étrangers qui s'y poseront, sont-ils si lointains qu'ils se ferment devant elles, qu'ils ne peuvent que faire cela ? Leurs rêves seront-ils prolongés, ou bien ravivés ? Comment le savoir, quand à nous-mêmes ces images sont la fumée de notre séjour, quand elles semblent songer toutes seules, et quand, même, parfois, nous ne nous souvenons plus tout à fait que nous étions là, à cet instant dont elles témoignent, pour les saisir ?

 

Et encore, ces images témoignent-elles de notre présence, ou seulement d'elles-mêmes ? S'il s'agit là non de peintures que nos doigts et nos pinceaux auraient conçues, mais du résultat d'un objet, l'appareil photographique, dont nous n'avons pas, pour la plupart d'entre nous, la maîtrise de la fabrication ? Que s'est-il passé dans l’œil froid de l'objectif de cet appareil ? Celui-là redoubla le nôtre, croyions-nous, mais pour une part s'y est substitué, puisque sa matérialité technique nous échappe : n'avons-nous donc que la maîtrise d'un cadrage, et non la faculté du partage d'un sentiment, d'une émotion, d'une histoire, d'un amour ? Avons-nous été de véritables artisans, de véritables créateurs, ou bien sommes-nous de pauvres démiurges impuissants et seuls, égarés dans la trame des lignes et des couleurs ?

 

(L'image photographique comme expérience d'une dépossession sans lien...)

 

Qu'aurai-je aimé ? Qu'aimerais-je revoir ? Je n'ouvre jamais mes albums de photographies sans me le demander. Ce sont peut-être les questions que se posait Mélisande mourante, dans une chambre du château d'Allemonde dont elle demandait que soient ouvertes les fenêtres sur la mer. Ce sont aussi les questions que tout vivant se pose, et peut-être les questions qui surgissent, un soir ou un matin, sur le lit de maladie ou de mort.

 

 

 

 

vendredi, 27 novembre 2015

Retour

 

 

 

Il est toujours un moment du voyage qui laisse la place au futur antérieur, à la nostalgie infinie.

 

Les images que nous rapportons d'un lieu se souviennent souvent à notre place, ou, plutôt, elles s'en souviennent autrement. Dans nos regards, c'est un passé défini.

 

 

 

16:46 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |