lundi, 04 janvier 2016
De la nostalgie
J'entendais quelqu'un, un homme de pouvoir dont je tairai le nom, qui, il y a quelques jours, parlait de la nostalgie comme d'une chose néfaste, qu'il fallait négliger, effacer, laisser derrière soi. J'y vois le signe certain, de la part de cet homme et de l'élite aveugle ou hypocrite qu'il représente aujourd'hui, d'une ignorance ou d'un mépris.
Plutôt qu'une larme vaine versée sur un passé revisité, la nostalgie n'est-elle pas une ressource ? Comme on a tort d'y voir des yeux baissés, des yeux fermés !
La nostalgie, n'est-ce pas se promener aujourd'hui, aujourd'hui encore, dans un jardin dessiné par Le Nôtre tout en sachant que les fleurs que nous y admirons ne sont pas les mêmes que du temps de l'immense artiste jardinier, parce que la plupart des plantes de ce temps n'existent plus ?
N'est-ce pas se souvenir qu'un prince français, petit-fils, neveu et père de rois de France, inaugura, un jour, un concours de poésie dont le thème était « Je meurs de soif auprès de la fontaine », et dont nous pouvons lire aujourd'hui les contributions, parmi lesquelles sont des poèmes immortels ?
N'est-ce pas l'amour de la modénature, qui faisait des façades des œuvres aussi belles que des sculptures et qu'aucun immeuble, qu'aucune des tours de verre qui défigurent nos villes modernes ne sauraient aujourd'hui concurrencer, avec la beauté ?
N'est-ce pas feuilleter les Très Riches Heures d'un duc, écouter une sonate de Schubert et une Symphonie de Haydn où passent et rêvent des princes, ou bien encore contempler un port de mer peint par Claude Gellée, qui resplendit au Louvre ou à l'Ermitage ?
Ne sont-ce pas nos photographies, comme la somme impossible et cependant entr'aperçue de nos regards ?
N'est-ce pas observer un miroir pour y voir une image vieillie, mais où se souvient une image d'avant ? Et savoir que les miroirs ont des souvenirs, et qu'ils ont vu passer des morts dans leurs eaux ?
N'est-ce pas le souvenir fécond des siècles ? N'est-ce pas l'hommage à l'immense obituaire du monde ?
La nostalgie ne colore-t-elle pas le visage de l'être aimé au moment même où nous le contemplons ? La nostalgie n'est-elle pas l'amour, avec l'instant ? N'est-ce pas le sentiment de la perte, celle de la main qui se retire de la nôtre après l'amour ?
N'est-ce pas, n'est-ce pas... Mais ai-je besoin d'écrire cela, d'écrire encore sur cela, si mon Lecteur vit lui aussi dans le Royaume de Nostalgie ?
20:38 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
Cette Nostalgie-là est belle et peut être féconde, à l'encontre d'une autre qui ne sait pas apprécier le moment présent et empêche de vivre pleinement...
Écrit par : Madame Uke | mardi, 05 janvier 2016
Bien sûr !
Écrit par : Frédéric Tison | mardi, 05 janvier 2016
Les commentaires sont fermés.