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lundi, 29 septembre 2014

Lire le poème

 

 

 

« [Edgar Degas] racontait (...) que Mallarmé ayant lu un sonnet devant quelques disciples, et ceux-ci, dans leur admiration, voulant paraphraser le poème, l'expliquaient chacun à sa façon : les uns y voyant un coucher de soleil, les autres le triomphe de l'aurore ; Mallarmé leur dit :  "Mais pas du tout... C'est ma commode."

Il paraît que Degas alla jusqu'à raconter cette histoire devant son héros, dont on dit qu'il sourit de l'entendre, mais d'un sourire un peu nécessaire.

J'ajoute que l'anecdote elle-même me semble peu vraisemblable. Mallarmé, à ma connaissance, ne lisait jamais ses vers devant témoins. Il m'a bien lu le "Coup de Dés" en 1897 ; mais c'était dans le tête-à-tête, et l'extraordinaire nouveauté de cet ouvrage lui a paru, sans doute, justifier une expérience directe de son effet. »

 

Paul Valéry, Degas Danse Dessin (1938).

 

 

 

14:59 Écrit par Frédéric Tison dans Album des phrases | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook |

vendredi, 12 septembre 2014

Itinéraire royal

 

 

 

 

Il y a dans le petit ouvrage écrit par Louis XIV, Manière de montrer les jardins de Versailles, une phrase d'une beauté envoûtante ; son rythme calme, sa grâce hautaine, le ton détaché sur lequel elle semble être prononcée, sont, je trouve, irrésistibles ; à elle seule, elle raconte une merveilleuse et mystérieuse histoire :

 

« Quand on sera dans le centre de la maison, on fera voir l'obscurité du bois, le grand jet et la Nape* au travers de l'ombre. »

 

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* Orthographe du XVIIe siècle.

 

 

 

vendredi, 08 août 2014

D'un très ancien château

 

 

 

Grégoire de Tours ne croit pas si bien dire lorsqu'il écrit, dans son Histoire des rois francs, que le lecteur aura « plaisir » à lire sa description de ce qui fut sans doute le premier château de Dijon (c'est-à-dire une petite cité fortifiée, avec ses maisons, ses rues, ses places et son château), lequel, évidemment, a disparu depuis longtemps (et n'existe plus, hélas, qui fut démoli à la fin du XIXe siècle, le château-fort de Dijon qui lui succéda) :

 

« Ce château, situé au milieu d'une plaine assez agréable, est entouré de très fortes murailles. (...) Au midi coule la rivière d'Ouche, extrêmement poissonneuse ; au nord, il y a une autre petite rivière qui, entrant par une porte, passe sous un pont, sort par la porte opposée, et entoure toute la forteresse de son onde pure et tranquille. À sa sortie, elle fait tourner des moulins avec une rapidité étonnante. Les quatre portes sont placées aux quatre points cardinaux ; tout l'édifice est garni de trente-trois tours ; les murs d'enceinte sont construits en pierres de taille carrées jusqu'à une hauteur de vingt pieds ; le surplus est en moellons ; ces murs ont trente pieds de haut et quinze d'épaisseur ; je ne sais pourquoi cette forteresse n'a pas reçu le nom de ville. Elle est entourée de fontaines remarquables ; au couchant, s'élèvent des montagnes très fertiles, dont les vignobles produisent un vin délicieux. Quelques-uns prétendent que ce château a été construit par l'empereur Aurélien. » *

 

Si ces « quelques-uns » ont alors dit vrai, le château daterait de la fin du IIIe siècle, et plus précisément des années 270-275, celles du règne d'Aurélien... Je n'y crois qu'à moitié, mais j'aime tout de même y croire : cela, même si je sais y projeter l'image merveilleuse que je me fais des châteaux-forts du haut Moyen Âge... Quand bien même cette forteresse décrite par notre évêque historien daterait du IVe ou du Ve siècle, je me serais volontiers rendu au haut de l'une de ses trente-trois tours.

 

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* Grégoire de Tours, L'Histoire des rois francs, traduite du latin par J. J. E. Roy, Paris : Gallimard, 2011, pp. 68-69. (collection Folio/histoire)

 

 

 

vendredi, 27 juin 2014

Les autres demeures

 

 

 

 

 

« Le soir je suis venu au Tréport, ne pouvant me résigner à coucher si près de la mer sans l'avoir à la semelle de mes souliers. »

 

Victor Hugo, extrait d'une Lettre à sa femme, Le Tréport, 6 août 1835.

 

(Victor Hugo, lorsqu'il se rendait au Tréport, logeait à l'Hôtel de Calais. Après tout, les hôtels où séjournèrent les écrivains et les artistes que nous aimons ne sont-ils pas tout aussi hantés de leurs présences que les maisons qu'ils habitèrent et que, parfois, nous pouvons visiter comme l'on visitait jadis les lieux des saints hommes ?)

 

 

 

 

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mardi, 17 juin 2014

Mondes

 

 

 

« La libération du carcan de l'espace et du temps est une aspiration du poète et du mystique, mais ce sont les mathématiciens qui l'ont réalisée. » 

                                                                              Arthur Eddington

 

 

 

 

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lundi, 28 avril 2014

Époque

 
« Je suis né en un temps où la majorité des jeunes gens avait perdu la foi en Dieu, pour la même raison que leurs ancêtres la possédaient — sans savoir pourquoi. Et comme l’esprit humain tend tout naturellement à critiquer, parce qu’il sent au lieu de penser, la majorité de ces jeunes gens choisit alors l’Humanité comme succédané de Dieu. J’appartiens néanmoins à cette espèce d’hommes qui restent toujours en marge du milieu auquel ils appartiennent, et qui ne voient pas seulement la multitude dont ils font partie, mais également les grands espaces qui existent à côté. C’est pourquoi je n’abandonnai pas Dieu aussi totalement qu’ils le firent, mais n’admis jamais non plus l’idée d’Humanité. Je considérai que Dieu, tout en étant improbable, pouvait exister ; qu’il pouvait donc se faire qu’on doive l’adorer ; quant à l’Humanité, simple concept biologique ne signifiant rien d’autre que l’espèce animale humaine, elle n’était pas plus digne d’adoration que n’importe quelle autre espèce animale. Ce culte de l’Humanité, avec ses rites de Liberté et d’Égalité, m’a toujours paru une reviviscence des cultes antiques, où les animaux étaient tenus pour des dieux, et où les dieux avaient des têtes d’animaux. »
 
 
Fernando Pessoa, « Autobiographie sans événements » [29 mars 1930], Le Livre de l’intranquillité. Paris : Christian Bourgeois, 1999, pp. 37-38.
 
 
 
 
 

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mercredi, 23 avril 2014

La priorité (de la Bouche d'Or)

 

 

 

« Qu'y a-t-il de meilleur, dis-moi ? Parler du voisin et de ses affaires, s'enquérir curieusement de toutes choses ? Ou s'entretenir des anges et des choses qui sont propres à nous enrichir ? »

  

             Saint Jean Chrysostome (Commentaire sur l'Évangile selon saint Jean, IVe s.)

 

 

  

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mardi, 15 avril 2014

Le Regard de Cœuvre

 

 

« Je possède, dès que j'y entre,

Ce jardin, Besme, plus que vous ne le possédez. »

 

(Paul Claudel, La Ville, acte I.)

 

J'aurais pu nommer toutes mes photographies — et, partant, intituler mes quelques livres de photographies — Le Regard de Cœuvre.

 

 

 

samedi, 05 avril 2014

Ailleurs

 

 

 

« Lorsque la beauté règne sur les yeux, il est probable qu'elle règne encore
ailleurs. »

 

 Vauvenargues, Réflexions et maximes (1746).

 

 

 

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mardi, 01 avril 2014

Mort d'un contemporain

 

 

Hommage.

 

 

Jacques Le Goff est mort aujourd'hui. Je me souviens de toutes les heures que j'ai passées en compagnie de ses livres, le soir, et même la nuit, à l'occasion de quelques insomnies, ou encore lors de certains après-midi de vacances, au soleil, dans un beau jardin... Son dernier ouvrage publié (1) présentait une "thèse" audacieuse selon laquelle, en substance, et pour aller très vite, le Moyen Âge (ou "l'esprit" de ce temps), loin de s'achever, de s'épuiser à la Renaissance, courrait jusqu'au XVIIIe siècle...

 

L'historien fut, il s'efforça de l'être du moins, un contemporain, au sens où l'entend Giorgio Agamben : « [Selon Nietzsche, d'après l'une de ses Considérations intempestives] Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n'adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel ; mais précisément pour cette raison, précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps. / Cette non-coïncidence, cette dyschronie, ne signifient naturellement pas que le contemporain vit dans un autre temps, ni qu'il soit un nostalgique qui se reconnaît mieux dans l'Athènes de Périclès ou le Paris de Robespierre ou du marquis de Sade que dans la ville ou dans le temps où il lui a été donné de vivre. Un homme intelligent peut haïr son époque, mais il sait en tous cas qu'il lui appartient irrévocablement. Il sait qu'il ne peut pas lui échapper. / La contemporanéité est donc une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances ; elle est très précisément la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l'anachronisme. Ceux qui coïncident trop pleinement avec l'époque, qui conviennent parfaitement avec elle sur tous les points, ne sont pas des contemporains parce que, pour ces raisons mêmes, ils n'arrivent pas à la voir. Ils ne peuvent pas fixer le regard qu'ils portent sur elle. » (2)

 

Autant dire que nous ne trouvons guère, parmi nos "contemporains", ces vrais contemporains... Heureusement, à l'instar de Giorgio Agamben, Paul Veyne et Georges Minois publient toujours des livres !

 

 

______

(1) Jacques Le Goff, Faut-il vraiment découper l'histoire en tranches ? Paris : Seuil, 2014 (coll. La Librairie du XXIe siècle)

(2) Giorgio Agamben, Qu'est-ce que le contemporain ? (Traduction de Maxime Rovere). Paris : Payot, 2008, pp. 9-11 (coll. Rivages poche/Petite bibliothèque)

 

 

 

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samedi, 29 mars 2014

Le règne

 

  

 

« Tous les sujets de la beauté ne connaissent pas leur souveraine. »

 

Vauvenargues, Réflexions et maximes (1746).

 

 

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jeudi, 23 janvier 2014

« Poèmes choisis »

 

 

 

 

Poèmes de Paul Farellier,
sur le site de la revue de poésie en ligne Recours au poème.

 

C'est ici.

 

*

 

 

IMG_4877 G.jpg

(à Paul Farellier.)

 

Joachim Wtewael (1556-1638), Persée secourant Andromède (1611), détail,
Musée du Louvre, photographie : octobre 2012.

 

 

 

samedi, 18 janvier 2014

« Éclater là-haut perdu »

 

 

I.


Quelconque une solitude
Sans le cygne ni le quai
Mire sa désuétude
Au regard que j'abdiquai

Ici de la gloriole
Haute à ne la pas toucher
Dont maint ciel se bariole
Avec les ors de coucher

Mais langoureusement longe
Comme de blanc linge ôté
Tel fugace oiseau si plonge
Exultatrice à côté

Dans l'onde toi devenue
Ta jubilation nue

 


II.


Indomptablement a dû
Comme mon espoir s'y lance
Éclater là-haut perdu
Avec furie et silence,

Voix étrangère au bosquet
Ou par nul écho suivie,
L'oiseau qu'on n'ouït jamais
Une autre fois en la vie.

Le hagard musicien,
Cela dans le doute expire
Si de mon sein pas du sien
A jailli le sanglot pire

Déchiré va-t-il entier
Rester sur quelque sentier !

 

 Stéphane Mallarmé, « Petit air ».

 

 

 

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dimanche, 22 décembre 2013

Au IVe siècle (Oui, oui et Non, non)



 

« Oui et non, tout le monde emploie ces monosyllabes connues : supprimez-les, et le langage humain n’a plus sur quoi rouler. Tout est là, tout part de là, affaire ou loisir, agitation ou repos. Quelquefois l’un ou l’autre de ces deux mots échappe en même temps à deux adversaires, souvent aussi on les oppose l’un à l’autre, suivant que la dispute rencontre des esprits d’humeur facile ou difficile. Si on s’accorde, arrive sans délai : Oui, oui. Si on se contredit, le dissentiment réplique : Non ! De là les clameurs qui éclatent au forum ; de là les querelles furieuses du cirque, et les séditions pour rire des gradins du théâtre, et les discussions qui agitent le Sénat. Les époux, les enfants et les pères se renvoient ces deux mots dans ces débats pacifiques dont leur mutuelle affection n’a point à souffrir. Les disciples réunis d’une même école les lancent aussi dans la tranquille mêlée de leurs controverses dogmatiques. De ces deux mots, toutes les chicanes de la tourbe des philosophes dialecticiens. "La lumière existe ; donc il fait jour." Non pas : ceci n’est pas juste. Car de nombreux flambeaux ou des éclairs, la nuit, produisent la lumière, mais ce n’est pas la lumière du jour. Ainsi, toujours oui et non car, il faut en convenir, oui c’est la lumière ; non ce n’est pas le jour. Et voilà la source de mille disputes ! Voilà pourquoi quelques hommes, plusieurs même, méditant sur de telles questions, étouffent leurs murmures, et dévorent leur rage en silence. Quelle vie que la vie de l’homme, agitée ainsi par deux monosyllabes ! »


Ausone (v. 310 - v. 395), Les Idylles, "Le Oui et le Non des Pythagoriciens", traduction d'Étienne-François Corpet. Paris : Panckoucke, 1843.



16:33 Écrit par Frédéric Tison dans Album des phrases | Tags : frédéric tison, citation, ausone, oui et non | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |