Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 01 avril 2014

Mort d'un contemporain

 

 

Hommage.

 

 

Jacques Le Goff est mort aujourd'hui. Je me souviens de toutes les heures que j'ai passées en compagnie de ses livres, le soir, et même la nuit, à l'occasion de quelques insomnies, ou encore lors de certains après-midi de vacances, au soleil, dans un beau jardin... Son dernier ouvrage publié (1) présentait une "thèse" audacieuse selon laquelle, en substance, et pour aller très vite, le Moyen Âge (ou "l'esprit" de ce temps), loin de s'achever, de s'épuiser à la Renaissance, courrait jusqu'au XVIIIe siècle...

 

L'historien fut, il s'efforça de l'être du moins, un contemporain, au sens où l'entend Giorgio Agamben : « [Selon Nietzsche, d'après l'une de ses Considérations intempestives] Celui qui appartient véritablement à son temps, le vrai contemporain, est celui qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni n'adhère à ses prétentions, et se définit, en ce sens, comme inactuel ; mais précisément pour cette raison, précisément par cet écart et cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps. / Cette non-coïncidence, cette dyschronie, ne signifient naturellement pas que le contemporain vit dans un autre temps, ni qu'il soit un nostalgique qui se reconnaît mieux dans l'Athènes de Périclès ou le Paris de Robespierre ou du marquis de Sade que dans la ville ou dans le temps où il lui a été donné de vivre. Un homme intelligent peut haïr son époque, mais il sait en tous cas qu'il lui appartient irrévocablement. Il sait qu'il ne peut pas lui échapper. / La contemporanéité est donc une singulière relation avec son propre temps, auquel on adhère tout en prenant ses distances ; elle est très précisément la relation au temps qui adhère à lui par le déphasage et l'anachronisme. Ceux qui coïncident trop pleinement avec l'époque, qui conviennent parfaitement avec elle sur tous les points, ne sont pas des contemporains parce que, pour ces raisons mêmes, ils n'arrivent pas à la voir. Ils ne peuvent pas fixer le regard qu'ils portent sur elle. » (2)

 

Autant dire que nous ne trouvons guère, parmi nos "contemporains", ces vrais contemporains... Heureusement, à l'instar de Giorgio Agamben, Paul Veyne et Georges Minois publient toujours des livres !

 

 

______

(1) Jacques Le Goff, Faut-il vraiment découper l'histoire en tranches ? Paris : Seuil, 2014 (coll. La Librairie du XXIe siècle)

(2) Giorgio Agamben, Qu'est-ce que le contemporain ? (Traduction de Maxime Rovere). Paris : Payot, 2008, pp. 9-11 (coll. Rivages poche/Petite bibliothèque)

 

 

 

17:08 Écrit par Frédéric Tison dans Album des phrases, Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

Commentaires

Hommage au grand historien qui a aidé notre immense poète à mieux connaitre le moyen âge, période qu'il affectionne particulièrement.

Écrit par : un fervent admirateur | mardi, 01 avril 2014

Sans aucun doute lui dois-je beaucoup ! C'était un excellent professeur en ses livres.

Écrit par : Frédéric Tison | mardi, 01 avril 2014

Les commentaires sont fermés.