Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 26 mai 2016

Autrefois on l'appelait Chaos

 Aux Lecteurs du Dieu des portes.

 

 

(...)

Mais comment parlerai-je de toi, Janus à double forme ? La Grèce n'a aucune divinité qui te ressemble. Dis-nous donc pourquoi, seul des immortels, tu vois en même temps ce qui est devant toi et ce qui est derrière. Tandis que, mes tablettes à la main, je roulais ces questions dans mon esprit, une lumière éclatante se répandit dans ma demeure, et, soudain, je vis paraître devant moi le saint, le merveilleux, le double Janus ! Immobile de stupeur, je sentis mes cheveux se dresser d'épouvante ; un froid subit glaça mon cœur. Le dieu, tenant dans sa main droite un bâton, une clef dans sa gauche, m'apostrophe en ces termes :

« Rassure-toi, chantre laborieux des jours ; je vais répondre à tes demandes ; prête une oreille attentive à mes discours. Autrefois (car je suis chose antique), autrefois on m'appelait chaos ; tu vas voir à quelle époque lointaine remontent mes récits. Cet air diaphane et les trois autres éléments, le feu, l'eau, la terre se tenaient ensemble et ne faisaient qu'un tout ; mais ces natures hétérogènes n'ayant pu rester longtemps unies, brisèrent leurs liens et se disséminèrent dans l'espace. Le feu monta vers les régions supérieures, au-dessous se répandit l'air, au centre s'établirent la terre et les eaux ; c'est alors que, cessant d'être une masse informe et grossière, je repris le corps et la figure d'un dieu. Maintenant même, je garde quelques traces de cette confusion primitive : je suis le même par devant et par derrière ; mais il est une autre raison de cette singularité de ma figure ; en te l'apprenant, je t'apprendrai quel est mon pouvoir. Tout ce que tes yeux embrassent, les cieux, l'Océan, les nuages et la terre, c'est à ma main qu'il est donné de les fermer ou de les ouvrir ; c'est à moi qu'on a confié la garde de cet univers immense ; c'est moi qui le fais tourner sur ses gonds. Si je permets à la Paix de sortir de mon temple, asile où elle sommeille, les chemins s'aplanissent devant elle, et elle y marche en liberté ; et, si je cesse de retenir la guerre sous d'inébranlables verrous, le monde est bouleversé, inondé de carnage. Je veille aux portes du ciel avec l'aimable cortège des Heures ; Jupiter ne peut entrer ni sortir sans moi : c'est pour cela qu'on m'appelle Janus. Lorsque le prêtre dépose sur mes autels le gâteau fait avec les dons de Cérès, et le froment mêlé de sel, les noms sous lesquels il m'invoque pendant le sacrifice te feront sourire : tantôt c'est Patulcius, et tantôt Clusius, deux désignations qu'imagina la naïve antiquité pour correspondre à mes divers mystères. Tu connais ma puissance ; je t'expliquerai maintenant ma figure, quoique déjà elle ne soit plus une énigme pour toi. Toute porte a deux faces, dont l'une regarde la rue et l'autre le lare domestique ; assis près du seuil de vos maisons, le portier voit entrer et sortir : portier de l'habitation des dieux, j'ai les yeux à la fois sur l'orient et sur l'occident ; le visage d'Hécate fait face à trois côtés pour veiller sur les trois voies qui divisent nos carrefours ; de même, de peur qu'en tournant la tête je ne perde des moments précieux, il m'a été donné de voir sans bouger, en même temps, et devant et derrière ».

 

Ovide, Les Fastes, I, 89-144, traduction de M. Nisard (1857)

 

 

 

17:58 Écrit par Frédéric Tison dans Album des phrases | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Les couleurs du monde

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 7.JPG

 

Dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

 

mercredi, 25 mai 2016

Le bois de l'amie

 

 

 

 

Une amie m'offre aujourd'hui, pour nos retrouvailles après quelques voyages, le morceau de bois, tombé d'un arbre, recueilli par elle dans le jardin d'Érasme, à Bruxelles ; ce rêveur et beau présent m'enchante ; il me réjouit comme la petite pierre éparse d'un château écroulé, que j'emporterais dans ma poche. “Là où sont les amis, là est la richesse”, écrivit l'aimable humaniste (reprenant un proverbe latin) qui devrait être relu de nos jours, et cité davantage. Je vois, dans ce fragment de bois posé devant ma table, ce soir, la trace d'un jardin splendide, toujours menacé, qui survit aux forêts dévorantes du temps, et de l'indifférence, et de la perte.

 

 

 

 

21:12 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Le petit pont rouge

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 6.JPG

 

Dans le jardin japonais contemporain, dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

 

 

mardi, 24 mai 2016

Sacre de l'arbre

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 5.JPG

 

Dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

lundi, 23 mai 2016

Ombres

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 4.JPG

 

Dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

 

Suspension

 

 

 

L'arrêt, la suspension que constitue toute image photographique ne figurent-ils pas, même lointainement, ce moment où notre regard fut vertical, soudain, dans la pleine conscience de l'instant et du lieu ?

 

 

 

dimanche, 22 mai 2016

La lumière dans le jardin-forêt

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 3.JPG

 

Dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

 

Degrés

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 2.JPG

 

Dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

samedi, 21 mai 2016

Le cœur jaune

 

 

 

 

Jardin Albert-Kahn 8.JPG

 

Dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

 

vendredi, 20 mai 2016

Une lecture

 

 

 

Un ami me signale une note de lecture sur Le Dieu des portes, par Rémi Boyer : c'est ici.

 

(On la retrouvera, avec la note critique de Pierre Perrin, dans la notice consacrée à ce livre sur le site des Hommes sans Épaules (onglet "Presse").)

 

 

 

 

 

08:56 Écrit par Frédéric Tison dans Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

Couleurs japonaises

 

 

 

 

SAM_4043.JPG

 

Le jardin japonais, dans les jardins Albert-Khan,
au musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

jeudi, 19 mai 2016

Détresse

 

 

 

La plupart de nos faiblesses et de nos peurs sont des poèmes que nous n'avons pas su écrire et qui se sont abîmés dans le monde.

 

 

 

 

17:19 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Sur le poème | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Le matin caligineux

 

 

 

 

SAM_3936.JPG

 

La Meurthe à Nancy,
photographie : octobre 2015.

 

 

 

mercredi, 18 mai 2016

Sub rosa

 

(Les notes qui suivent furent écrites en mars 2010 et sont directement retranscrites de mon premier blogue (Les Lettres blanches I. (2008-2013)), désormais envahi de publicités comme de mauvaises herbes et sens dessus dessous)), avec seulement quelques modifications de détail.)

 

Éros un jour tendit une rose à l'enfant-dieu Harpocrate, ou Harpocrates, fils, dit-on, d'Isis et d'Osiris : c'était la première rose du monde, un don d’Aphrodite. La déesse voulait ainsi s'assurer le silence d’Harpocrate sur ses intrigues et ses amours auxquelles l'enfant assistait dans l'ombre des chambres et derrière les tentures des salles de banquet. Il fut d’usage ensuite, chez les hommes, de placer une rose dans les lieux de divertissements : sa présence engageait les convives à bannir toute contrainte sous la promesse du Silence. C’est du moins ce que dit la légende venue d’Égypte acclimatée à Athènes puis à Rome. Et l’on explique ainsi l’expression « sub rosa » : se dire quelque chose « sous la rose », c’est s’engager à en garder le secret. L'amitié vraie est toujours sous la rose. Peut-être trouve-t-on également la trace de cette rose dans l’énigmatique « pot-aux-roses », dont plusieurs explications sont proposées, et jamais ne sont tout à fait satisfaisantes.

*


Il est également difficile de se faire une idée précise du dieu-enfant.


Des érudits ont montré que le nom d’Harpocrate vient du copte Arphochrat (l’idiome des anciens Égyptiens) qui signifie « celui qui boîte d’un pied », ou « faible des pieds ». Les Égyptiens conservèrent du dieu l’aspect de l’enfant dans le ventre maternel, les mains ou les doigts sur le visage ou la bouche, révélant son éternelle faiblesse. Harpocrate s’oppose à Horus, l’autre fils d’Isis et d’Osiris ; Horus est le symbole du soleil au solstice d’été, tandis qu’il est dans toute sa force ; Harpocrate est celui du soleil « faible », au solstice d’hiver. Harpocrate fut ensuite désigné, dans le monde romain, comme le « dieu-enfant-phosphore », le porte-lumière, symbole de la lumière naissante, encore fragile.


Harpocrate est un très jeune homme, ou un enfant, et il porte un doigt à ses lèvres : on le reconnaît sans peine parmi les statues. Ce geste, en Occident, signifie le silence. Mais en Perse, le geste signifie l’étonnement : Sadegh Hedayat le rappelle dans La Chouette aveugle. Et les miniatures persanes sont parcourues de personnages un doigt sur les lèvres : sans doute s’étonnent-ils à jamais d’être en de si beaux lieux…

 

*

Harpocrate est souvent nu, et parfois ailé.

 

*


Des Romains, rapporte Pline L’Ancien dans le Livre XXIII de son Histoire naturelle, ornaient leurs bagues à cachet de la figure du dieu ; l’empreinte du cachet, qui représentait Harpocrate un doigt sur les lèvres, signalait qu’il fallait garder précieusement le secret des lettres. (L’empereur Auguste usait, pour cacheter ses lettres secrètes, du Sceau du Sphinx ; nul ne pouvait en divulguer le contenu sous peine de mort.)

 

*


La peinture la plus belle m’apparaît toujours profondément silencieuse : elle est une rose ; elle semble avoir toujours un doigt sur les lèvres.

 

*


Beaucoup de poèmes sont écrits, et donnés, sub rosa : ils ne craignent pas que leur secret soit dévoilé : comment pourrait-il l’être ? Les mots mêmes du poème sont la rose.

 

*


Au Louvre, le promeneur peut voir une belle et rare statuette représentant un Éros un doigt sur les lèvres, miraculeusement conservée, et qui l’invite, discrètement, au plus grand silence. Harpocrate, en prêtant son geste à Éros, devient une épithète : Éros harpocrate.

 

*


Varron, dans ses Antiquités, dit qu’il ne faut pas parler d’Harpocrate, sinon succinctement : il craignait de violer le silence que le dieu recommande. C’est un sage conseil, à mon avis, et j'ai sans doute été trop long...

 

 

 

 

09:44 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |