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dimanche, 13 mars 2022

La proposition magnifique d'Erkki-Sven Tüür

 

(Remise en ligne, avec quelques coupures et corrections, d'un billet que je publiai le 20 octobre 2008 sur mon premier blogue.)

 

 

L’oreille curieuse sait reconnaître immédiatement la musique d’Erkki-Sven Tüür.

Je me souviens d’avoir été à la fois, au sens propre, bouleversé, intrigué, et quelque peu déconcerté par quelques musiques : ce furent, notamment, la musique et le chant de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, puis les opéras Salomé ou Elektra de Richard Strauss, ou encore l’œuvre de Janacek et celle de Berg, musiques que je reçus comme extraordinaires, puis quasi effrayantes dans leurs infinis… Je leur associerais volontiers ma découverte récente de la musique, assez difficile, du compositeur estonien Tüür (lequel est né en 1959), qui en moi surgit d’abord tel un magnifique et terrible scandale sonore.

 

Tüür est l’auteur de nombreuses musiques symphoniques et de quelques œuvres de chambre, que je n’ai évidemment pas eu le loisir d’écouter dans leur ensemble. J’évoquerai ici quelques œuvres orchestrales : l'étonnante Symphonie n°3 (1997), le beau Concerto pour violon et orchestre (1998) et les superbes pièces symphoniques Lighthouse (1997) et  Exodus (1999), ainsi que le Requiem (1994).

Cette musique peut apparaître tout d’abord éclatée, éparpillée — on pourrait parler d’un brio de Tüür tout à fait particulier, quasi juvénile — une explosion de sève désordonnée — mais non sans métier (Tüür ne nous fait pas le coup de la déconstruction...) ; une écoute attentive en perçoit l’unité profonde, après quelque temps. Une première impression, très naïve, pourrait être celle, très curieuse, d’une musique classique parfois jouée à l’envers !  Puis on se laisse gagner par la succession de motifs assez courts, qui reviennent pour s’annuler et revenir encore, comme la mer ; et ce brio peut masquer, à l’oreille superficielle, une réelle richesse harmonique.

Une autre impression, laquelle perdure, est celle d’un flux (Flux est d’ailleurs le titre générique du disque qui, en 1999, regroupa plusieurs compositions du musicien). Dans la Symphonie n° 3, dans l'exceptionnel Lighthouse, dans l'enthousiasmant et nerveux Exodus, des lames de violons se superposent à d’autres lames ; violons aigus, cristallins et cascadant, gong, clochettes, marimba, violoncelles furieux ou rêveurs participent d’un Rythme, ou plutôt d’une succession de Rythmes souverains, où le son de chaque instrument est transfiguré dans une harmonie nouvelle, decrescendos et crescendos ne cessant de se succéder, de façon étourdissante ; on pourrait volontiers entendre l’expression d’une crise rythmique dans cette musique — une crise qui serait critique de l’intérieur et non de l’extérieur. Cette jeune musique que l’on dirait parfois en colère, d’une colère tantôt froide tantôt exaltée, est l’extase d’une lyre heurtée. Le Requiem est, lui, un torrent de voix et de violons enchevêtrés, que de fines pluies scintillantes viennent un instant briser.

La saturation de l’espace sonore apparaît encore, à mon sens, comme l’une des caractéristiques de la musique de Tüür ; ces violons, quasi omniprésents, très denses, veulent emplir l’air jusqu’à l’éclatement —  mais l’impression n’est pas celle d’un étouffement, au contraire elle est celle d’une danse exponentielle —  à la façon d’ondes.

Cette musique se déploie parfois comme suspendue dans l’air, elle apparaît sans racines et pourtant… cette musique se souvient. Cette musique est emplie de souvenirs — musique entre terre et ciel, épousant un vent étrange sans jamais se poser ni trop s’élever cependant, sinon en elle-même : la musique surgit d’un vent qui se situe juste au-dessous des nuages. Elle se maintient étonnamment toujours à la même altitude intermédiaire.

Car voici une musique véritablement jeune et moderne, c’est-à-dire qu’elle apparaît, qu’elle surgit, telle ce qu’on attendrait d’une jeune esthétique, c’est-à-dire audacieuse, cultivée, consciente et rebelle, ironique et passionnée à la fois —  et retenons, j’y insiste, qu’elle est cultivée : la musique de Tüür sait. Et l’auditeur que je suis sait, et entend qu’elle sait. Elle sait notamment se détacher de ses aînées parce qu’elle les connaît parfaitement ; elle n’a pas besoin d’une rupture systématique, ou plutôt elle peut y accéder dans la mesure où elle est parfaitement instruite du passé. Ainsi Rimbaud sut-il composer de parfaits sonnets classiques et aboutira aux déconcertantes proses rythmiques des Illuminations, lesquelles, certes inégales, offrent un splendide nouveau regard. D’ailleurs, ne pourrait-on dire que, tel Rimbaud, Tüür fait une proposition magnifique ? Musique de transition, non d’aboutissement peut-être ; sûre d’elle-même, elle s’imposera peut-être tel un classicisme moderne ; musique qui se répercute sur les vitres des gratte-ciel...

Surtout, c’est une musique selon. J’entends par musique selon une musique totale, et personnelle à la fois, qui sache englober, dire l’amour, la perte, l’abandon, la colère, la quête…

 

***

À écouter, je veux dire à écouter sans préjugés — c’est-à-dire sans l’attente d’une harmonie connuevérifiée, cette attente en laquelle consiste hélas le drame de tant de mélomanes contemporains (et j’en fis partie !), ne cherchant que le même qu’ils ont tant aimé, et convaincus que la musique s’interrompt au commencement du XXe siècle, malgré quelques concessions dédaigneuses —, à écouter vraiment l’œuvre d'Erkki-Sven Tüür nous en sortons conquis.

 

 

06:42 Écrit par Frédéric Tison dans Autour de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

vendredi, 11 mars 2022

Sur Wozzeck d'Alban Berg (Fragments)

 

 

 

Il y a de cela de nombreuses années, j'ai assisté à une représentation de Wozzeck d'Alban Berg, et je dois bien reconnaître que j'avais été particulièrement dérouté par cette œuvre, pour ne pas dire que je n'y avais pas compris grand' chose — je veux parler de la musique, non du livret d'après la pièce de Buchner : mais, précisément, je n'avais pas alors compris que musique, sons et mots sont ici tellement imbriqués les uns dans les autres que c'est bien l'ensemble qu'il faut appréhender, plus encore que pour un autre opéra, peut-être.

 

*

 

L'opéra m'avait résisté jadis, et j'en étais presque vexé. Je me suis rendu le jeudi 10 mars 2022 à sa représentation, et j'étais excité comme une puce à l'idée que j'allais redécouvrir cette œuvre. Il me fallait, je le savais, la revoir sur une scène.

 

*

L'approche holistique dont j'ai parlé m'a fait comprendre qu'il ne s'agit pas de comprendre — si j'ose dire. Il s'agit de deviner, de renoncer, d'aimer.

 

*

 

Quelle musique ! Musique de cris et de larmes... Notes d'extase. Sonorités folles (On dirait qu'elles savent tout). Musique d'un chant qui s'effondre sur lui-même, et cependant se relève en tremblant, délirant sur lui-même, et qui s'éloigne parfois de sa propre profondeur, la creuse, la rêve, la prolonge et la renouvelle à chaque instant. Musique d'un miroir, de milliers de miroirs. Musique d'un grondement murmuré. Musique en guerre contre elle-même. — Une musique qui, semble-t-il, ne peut se tolérer elle-même. Elle s'enlace en se repoussant tout à la fois. Cet opéra est un corps qui cherche la vie dans la mort de la vie et de l'amour.

 

*

Il s'agit d'accepter que quelque chose se dérobe à jamais.

 

*

Pierre Jean Jouve, poète de l'inconscient freudien s'il en est (même s'il ne s'agit pas de circonscrire ses poèmes à cette dimension), écrit superbement dans son Wozzeck d'Alban Berg (en collaboration avec Michel Fano) : « Il y a certainement dans l'œuvre des éléments secrets. Ils sont là comme ces peintures des tombes des Pharaons, dont on sait qu'elles étaient faites pour n'être vues par les yeux d'aucun mortel. Nous avons passé parfois sur les places de ces éléments secrets, nous avons pu les désigner. Ils ne sont pas sensibles à l'audition ? bien évidemment, car ils sont secrets. Mais nous savons que s'ils n'étaient pas écrits à leur place, ce que nous entendrions ne serait pas semblable à ce que nous entendons. » (Pierre Jean Jouve et Michel Fano, Wozzeck d'Alban Berg, Christian Bourgeois éditeur, 1999, p. 250-251.)

 

*

 

Ainsi Wozzeck est possible et impossible à la fois — N'est-ce pas l'amour ? 

 

 

 

Premier Balcon, rang 1, place 2

 

 

 

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Avant elle, et à l'issue de la représentation de Wozzeck d'Alban Berg, à l'Opéra-Bastille,
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris,
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris,
photographies : jeudi 10 mars 2022.

 

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mercredi, 09 mars 2022

De la caresse

 

 

Il n'y a que la musique qui m'a jamais caressé.

 

 

 

10:06 Écrit par Frédéric Tison dans Autour de la musique, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

mercredi, 02 mars 2022

Retenir

 

 

J'ai lu beaucoup de livres de poésie, mais, à vrai dire, je n'en ai pas retenu beaucoup de vers, et encore moins des poèmes entiers. Je connais par cœur certains poèmes de Maurice Scève, de Charles Baudelaire, de Paul Verlaine, de Stéphane Mallarmé, de Victor Segalen et de Pierre Jean Jouve, parmi d'autres encore — mais cela est peu, et, surtout, surnagent avant tout quelques vers d'entre eux, justement, comme quelque air ou "passage" d'une musique aimée. À cet égard, et en miroir, me semble-t-il, alors que je ne suis qu'un piètre musicien et que je ne suis pas un musicologue, je connais par cœur et peux me les remémorer sans peine dans le silence (ou bien anticiper, lorsque je les écoute, toute la poursuite, dans la durée sonore) l'opéra entier Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, l'air « Allein ! » de l'Elektra de Richard Strauss et la Valse des fleurs de Tchaïkovski, par exemple : tout cela est curieusement inscrit sous mon crâne, je ne saurais l'expliquer ; je puis renouveler dans mes pensées ces moments à volonté. Ma mémoire, cela dit, n'est pas aussi favorable à la beauté que j'aimerais : elle sait aussi par cœur des choses nullissimes, telle la chanson de variétés « La danse des canards », l'une des choses les plus stupides que j'aie jamais pu entendre. (« Oh la honte ! », comme on disait naguère (id est : Imagine-t-on les sons de cette sotte et désolante hideur dans les jardins de Versailles, dans les plus belles villes du monde, à Prague, à Saint-Pétersbourg, à Florence, à Kandy ?).) Il y a peu, je me suis rendu dans un appartement où l'on fêtait quelque anniversaire ; cette chose (ne la qualifions plus de chanson, car ce serait insulter les véritables et belles chansons) fut diffusée, à ma grande stupéfaction, mais plus grand encore fut mon effarement de m'apercevoir que je la reconnaissais. Et je me suis dit : « Frédéric, voyons, il faut faire taire cela en toi ». Tsss... Que faire, sinon passer, car, comme l'a écrit Pascal Quignard dans La Haine de la musique, les oreilles n'ont pas de paupières ? 

 

 

 

dimanche, 27 février 2022

Sur Lulu d'Alban Berg

 

(Remise en ligne d'un billet que je publiai sur mon premier blogue le 25 octobre 2011, avec des notes  publiées, elles, en 2008 et issues du même blogue.)

 

__________________

 

Voilà longtemps* que je « tournais autour », si j’ose dire, d’Alban Berg, de sa musique qui m’intimide et m’attire, et voici que je reviens de l’Opéra Bastille où était représenté, ce soir [lundi 24 octobre 2011, presque minuit ; je recopie une partie des notes de mon carnet], son opéra Lulu, et qu’enfin je l’ai, cette musique, véritablement entendue, que je suis sûr de l’aimer maintenant, puisque j’ai partagé l’air et le temps où elle fut, et que j’ai dérivé avec elle.

 

(Et tous mes disques, si je les écoute avec passion, je ne puis les écouter trop fort, crainte de déranger le monde qui m’entoure. Peut-être ne désiré-je habiter un château – il me faudrait un château du XIVe ou du XVe siècle, aux murs de pierres qu’on dirait scellées par des Géants, posé au milieu d’un lac comme j’en vis un jour dans le Périgord noir, je crois, et entouré de longues forêts impénétrables  – qu’à la fin de pouvoir y écouter mes disques aussi puissamment que je le voudrais…)

 

Je n’ai trouvé personne qui souhaitât, ce soir, m’accompagner à la représentation, mais il est vrai que l’œuvre est éprouvante, éreintante, et même oppressante parfois, ainsi que l’exprima, en des termes choisis, à l’entr’acte, tandis que je déambulais, avec mon verre d’eau comme un « petit chien », parmi les coupes de champagne, les sandwichs et les cornets de glace, un jeune homme en tenue décontractée à l’adresse de ses amis : « Ah ouais, cette musique, ça déchire ! », donnant là son sentiment sur une œuvre en effet déchirante, dont la tension ne faiblit jamais, et qui sait cependant ménager des pauses d’une tendresse inouïe, comme une caresse qui ne peut aboutir, mais se prolonge…

 

(Cruelle musique comme la vie, musique lucide comme la chair, comme le regard. Que dit l’histoire du livret de l’opéra ? Que personne n’aime ni n’écoute personne…  – Que l’Appétit règne, et que le corps désirable est sa monnaie que l’or adoube et provoque – Que le Sens est brûlé, que le sentiment du sacré, quel qu’il soit, est tombé dans un verre de vin tiède – Que le mensonge est adoré – Que le Temps détruit toute la vie imaginée… Que la Rencontre sur la Terre, qu’elle prenne le nom d’amitié ou d’amour, n’est souvent qu’imposture attristée d’elle-même, et renversée. Etc. Lulu est un immense « Pouah ! » à la face pourrie du monde…)

 

À chacun des trois actes, des interludes sont là pour rappeler ce désir inassouvi, inassouvissable, que l’omniprésent violon souligne… et défait. Il est singulier, et frappant, que la musique d’Alban Berg attende la voix humaine, et son corps, qu’elle les appelle ; murmure avec eux... ; et à relire un poème** que Pierre Jean Jouve consacra à Lulu, on sent bien que le poète est l’initiateur. Je me souviendrai toujours de ces paroles que chante aussi bien qu’elle les crie la comtesse Geschwitz mourante à l’adresse de Lulu, que vient d’assassiner Jack l’Éventreur, ces paroles d’amoureuse éperdue, et la comtesse elle-même peut-être damnée comme l’objet de son amour : « Lulu ! Mein Engel ! Laß dich noch einmal sehn ! Ich bin dir nah ! Bleibe dir nah, in Ewigkeit ! » (« Lulu ! Mon ange ! Montre-toi encore une fois ! Dans la mort je te suis ! Près de toi je reste, pour l’éternité ! ») ; car son chant glace le sang et bouleverse à la fois ; mais… le froid et le chaud – n’est-ce l’opération de la musique de notre temps ?

 

À un peu plus de onze heures du soir, il pleuvait tandis que mes pas me ramenaient chez moi, à travers les rues éclairées de lumière orange – sonores de voitures précipitées : étrange et bienveillante tristesse.

 

* (Note du 19 octobre 2008, très légèrement revue et corrigée.)

D’un plein accès terriblement difficile (et je n’évoque pas ici l'opéra Wozzeck, qui ne peut s’apprécier vraiment que dans une salle d’Opéra, et peut-être après la lecture de l’ouvrage de Pierre Jean Jouve (écrit avec Michel Fano) qui lui est consacré), la musique d'Alban Berg est lancinante, suggestive, parfois très violente, à la fois amère et rêveuse, lente et brutale, douce et cruelle, souterraine et lumineuse… Ce ne sont pas là de faciles oxymores : cette musique est si étonnante qu’elle semble confondre différentes strates contradictoires, ou plusieurs lames de fond, qui charrieraient indépendamment des fragments de musiques anciennes, mais lointaines, lointaines… : on dirait que cette musique glisse sur elle-même. On la dirait concentrée à l’extrême, consciente d’elle-même jusqu’à la folie, jusqu’à la perte, et toujours, dans le même temps, on dirait qu'elle songe à autre chose qu’elle-même, toujours au-delà d’elle-même ou à côté, toujours écoutant son propre mouvement. On la repousse parfois comme intolérable, cependant elle sait revenir vers nous très attirante, très pénétrante… Son « atonalité », non systématique, la réserve à une oreille attentive : mais la classer dans cette seule « école » serait extrêmement réducteur : son lyrisme passionné dialogue avec la dissonance, avec la rupture, avec le « faux », plutôt qu’il les épouse parfaitement : il les affronte et ne s’y soumet pas ; il les interroge, comme on interrogerait l’Enfer... Le Concerto pour violon à la mémoire d’un Ange (1935) se révèle lentement à l’oreille… car cette musique parfois impatiente, semblant se déborder elle-même, attend d’abord de nous la persévérance et la constance ; c’est vers cette œuvre que je conseillerais au néophyte de se tourner tout d’abord. Cette musique nouvelle parle au cœur comme la musique ancienne, avec amour, avec inquiétude, avec patience. Le Concerto recèle des instants proprement inouïs ; de même que dans la Lulu-Suite (1934), ou la Lyrische Suite (1928) (que le Concerto, œuvre comme testamentaire de Berg, invite à découvrir en arrière) la musique afflue telle une rivière nerveuse – irriguée de je ne sais quelle tension étrange ; ses brisures ne sont jamais gratuites – et cependant l’écriture de ce lyrisme précis, où tout est évidemment calculé, est inquiétante, imprévue, superbe et légère comme un ciel rapidement parcouru de nuages blancs et gris, ou noirs.

 

**

Une cuisse plus qu'élégante de dentelles
Porte l'enseigne du trésor :
Et qu'un homme un autre homme
                                et puis un troisième homme
Ou meure ou soit tué ou se donne la mort

Pour elle ! et qu'un prodige de musique en elle
D'orchestre sur un sein dont la pointe est de pleurs
S'émerveille des yeux à l'or des jarretelles
Des souliers, un orage aux funèbres splendeurs ;

La mort elle la sait ayant pitié de tout :
Lulu pousse du pied la dépouille mortelle,
Pourvu que tout le son la creuse du dessous
Elle change de robe et sort. Toujours plus belle.

 
Pierre Jean Jouve, "Lulu I", dans Moires. (Œuvre I. Paris : Mercure de France, 1987, p. 1045.)
 
 
 
 

mercredi, 23 février 2022

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(« It's not Mozart. — I know. »)

 

 

15:26 Écrit par Frédéric Tison dans Autour de la musique, Marginalia | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

Les sièges d'attente

 

 

 

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De l'Orchestre, rang D, place 32,
une demi-heure avant la représentation de 
Pelléas et Mélisande, de Claude Debussy,

au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris VIII,
photographie : octobre 2021.

 

 

 

samedi, 22 janvier 2022

D'un rêve et des vitres

 

 

Parfois, on peut se sentir un peu plus bête encore qu'on l'est déjà : je lavais mes vitres et Radio Classique, soudain, diffusa le déchirant Rêve d'amour de Franz Liszt.

 

 

 

samedi, 15 janvier 2022

Retenir

 

 

Toute musique retient sa tristesse (ainsi que le poème).

 

 

 

mardi, 11 janvier 2022

Devenir

 

 

Il m'apparaît que le musicien voudrait devenir sa propre musique, comme le poète voudrait devenir son propre poème.

 

 

 

jeudi, 06 janvier 2022

De la peur

 

 

Je n'ai peut-être jamais eu véritablement peur (je parlerais plutôt de terreur) parce que j'ai toujours senti quelque hostilité, quelque absence, quelque horreur, quelque mensonge dans ce monde, et que j'ai toujours su que je serai seul, que je vivrai seul, que je mourrai seul, et que la peur était inévitable. — Dès lors, pourquoi avoir peur dans ce froid, dans cette solitude, dans cette indifférence ?

C'est la raison pour laquelle, au sein de cette abomination incompréhensible et absurde, la musique me fut toujours une tendresse, la musique qui sait tout, la musique évidente comme le plus beau des poèmes.

J'ai cependant eu peur, une fois, en découvrant quelque morceau que je ne connaissais pas : c'était le magnifique et terrible "Deuxième Mouvement" de la Neuvième Symphonie de Bruckner, que je ne peux écouter qu'en tremblant. Là résidait peut-être ma propre peur, laquelle était cachée ; je puis désormais entendre calmement ce mouvement (même si le petit enfant que je reste a toujours peur en l'écoutant, et frémit, et se souvient).

 

 

 

D'un roi d'Angleterre

 

 

 

« Henri VIII ne se contentait pas seulement de couper la tête de ses femmes, mais il composait aussi de la musique », dit une animatrice sur Radio Classique aujourd'hui, tandis que la radio diffusait une mélodie censée avoir été écrite par le roi d'Angleterre. J'ai beaucoup aimé cette phrase.

 

 

 

dimanche, 02 janvier 2022

De quelque musique

 

 

Souvent, parfois, de temps en temps, la musique est la réunion de la violence et de la douceur.

 

 

 

samedi, 01 janvier 2022

De la réticence

 

 

La musique fait peu de place à la réticence, ou bien l'ignore tout à fait. La réticence, toutefois, affleure chez Érik Satie, me semble-t-il, ainsi que chez Claude Debussy.