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vendredi, 11 mars 2022

Sur Wozzeck d'Alban Berg (Fragments)

 

 

 

Il y a de cela de nombreuses années, j'ai assisté à une représentation de Wozzeck d'Alban Berg, et je dois bien reconnaître que j'avais été particulièrement dérouté par cette œuvre, pour ne pas dire que je n'y avais pas compris grand' chose — je veux parler de la musique, non du livret d'après la pièce de Buchner : mais, précisément, je n'avais pas alors compris que musique, sons et mots sont ici tellement imbriqués les uns dans les autres que c'est bien l'ensemble qu'il faut appréhender, plus encore que pour un autre opéra, peut-être.

 

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L'opéra m'avait résisté jadis, et j'en étais presque vexé. Je me suis rendu le jeudi 10 mars 2022 à sa représentation, et j'étais excité comme une puce à l'idée que j'allais redécouvrir cette œuvre. Il me fallait, je le savais, la revoir sur une scène.

 

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L'approche holistique dont j'ai parlé m'a fait comprendre qu'il ne s'agit pas de comprendre — si j'ose dire. Il s'agit de deviner, de renoncer, d'aimer.

 

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Quelle musique ! Musique de cris et de larmes... Notes d'extase. Sonorités folles (On dirait qu'elles savent tout). Musique d'un chant qui s'effondre sur lui-même, et cependant se relève en tremblant, délirant sur lui-même, et qui s'éloigne parfois de sa propre profondeur, la creuse, la rêve, la prolonge et la renouvelle à chaque instant. Musique d'un miroir, de milliers de miroirs. Musique d'un grondement murmuré. Musique en guerre contre elle-même. — Une musique qui, semble-t-il, ne peut se tolérer elle-même. Elle s'enlace en se repoussant tout à la fois. Cet opéra est un corps qui cherche la vie dans la mort de la vie et de l'amour.

 

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Il s'agit d'accepter que quelque chose se dérobe à jamais.

 

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Pierre Jean Jouve, poète de l'inconscient freudien s'il en est (même s'il ne s'agit pas de circonscrire ses poèmes à cette dimension), écrit superbement dans son Wozzeck d'Alban Berg (en collaboration avec Michel Fano) : « Il y a certainement dans l'œuvre des éléments secrets. Ils sont là comme ces peintures des tombes des Pharaons, dont on sait qu'elles étaient faites pour n'être vues par les yeux d'aucun mortel. Nous avons passé parfois sur les places de ces éléments secrets, nous avons pu les désigner. Ils ne sont pas sensibles à l'audition ? bien évidemment, car ils sont secrets. Mais nous savons que s'ils n'étaient pas écrits à leur place, ce que nous entendrions ne serait pas semblable à ce que nous entendons. » (Pierre Jean Jouve et Michel Fano, Wozzeck d'Alban Berg, Christian Bourgeois éditeur, 1999, p. 250-251.)

 

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Ainsi Wozzeck est possible et impossible à la fois — N'est-ce pas l'amour ? 

 

 

 

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