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vendredi, 06 juin 2014

Les ports

 

 

 

Je ne dirai pas que Brest est une belle ville : il suffit de voir le colossal Pont de Recouvrance jurant près d'une Tour Tanguy qui semble bien solitaire, et les barres d'immeubles sans grâce siégeant à l'entour d'un château composite. La ville du Havre, si souvent décriée, m'apparaît quant à elle infiniment plus harmonieuse et cependant, elle aussi fut largement reconstruite après la guerre. Le visiteur se promène pourtant avec plaisir dans Brest, sous les nuages bretons, renouvelés sans cesse. Toute ville qui est un port sait être féconde : le rêve des oiseaux, la générosité des bateaux, les rues autrement préoccupées, tout cela sonde le regard du promeneur ainsi qu'un vent différent dans le monde, une autre ville, une pensée.

 

 

 

 

 

 

lundi, 09 septembre 2013

Beau lieu

 

 

Il paraît – je l’ai lu quelque part dans un journal, il semble qu'on appelle cela le « syndrome de Paris » sur le modèle de celui de Florence – que certains touristes japonais, je crois, développeraient une maladie particulière en découvrant que Paris, dont ils avaient tant rêvé, Paris qu’ils avaient tant lu dans des livres romanesques ou sur des images léchées, n’était pas du tout comme ils l’imaginaient, qu’il y avait des papiers sales et des épluchures sur les trottoirs, des passants indifférents et vulgaires, des immeubles quelconques – que Paris ne siégeait pas sur le pont Alexandre III, en somme, et que les pigeons y étaient gris. Ces Asiatiques, ainsi, en tomberaient littéralement malades de déception. Moi qui suis parisien, même d’adoption, je ne risque pas d’être atteint par cette affection ! Vivre dans la dite « plus belle ville du monde », c’est guérir aussi, un peu, de l’Utopie. C’est ainsi que j’ai pu naguère rêver sur la Perspective Nevski, à Saint-Pétersbourg, songeant à Gogol mais sachant déjà que les passants fantomatiques aux beaux habits de la merveilleuse nouvelle avaient depuis longtemps disparu… De Gênes avant que je visite la ville réelle résonnaient en moi seulement quelques noms, Alberti, sainte Catherine de Gênes dont j'avais trouvé si étrange le Traité du Purgatoire, Christophe Colomb et Paganini, et les noms des grands Princes et Doges, Balbi, Grimaldi, Spinola, Pallavicini… J’ai pu voir les ombres, et les reflets des ombres. Et si je savais que certaines lueurs n'étaient que dans mes regards et mes souvenirs livresques, d'autres sont venues à moi tandis que, pour ne les avoir pas imaginées, je ne les connaissais pas, et que je les voyais.

 

 

jeudi, 05 septembre 2013

Au haut du Palais rouge, presque toute la ville, et le port, le ciel et les toits et la mer

 

  

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Du Belvédère du Palazzo Rosso, Gênes, Italie, photographie : juillet 2013.

 

 

19:19 Écrit par Frédéric Tison dans Gênes, Voyage en Italie | Tags : frédéric tison, photographie, ville, gênes | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

mercredi, 04 septembre 2013

Du regard photographique

 

 

Comment photographier une ville, une ville comme toutes les villes du monde, c’est-à-dire pleine de fils électriques, de panneaux didactiques, d’affiches, de barrières en fer blanc, de devantures criardes, de voitures garées devant les églises et les palais, une ville vivante donc, que parcourent habituellement des habitants mal vêtus, puisque presque tout le monde est aujourd’hui mal vêtu, je veux dire inharmonieusement vêtu, mal vêtu pour être, pour aller, pour se détacher sur des façades, des jardins et des avenues  ? Faut-il isoler un bel angle de vue, faut-il noircir un détail, faut-il même gommer, truquer, mentir ? Ou bien faut-il montrer de la ville sa puissante laideur, son opulent débraillement, faut-il par l’image évoquer son bruit ? Et nous faudra-t-il parfois écrire nos mots sur nos photographies, nous appropriant alors leurs images, faisant du regard notre Regard, et mêler nos photographies écrites à l’immense fatras d’images photographiées et filmées qui se superpose aujourd’hui au monde ? Peut-être faut-il faire tout cela, alternativement, selon.

 

 

15:37 Écrit par Frédéric Tison dans Sur la photographie | Tags : frédéric tison, photographie, ville, regard | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |

samedi, 31 août 2013

Moderne

  

 

À Gênes le port est un monstre polycéphale, extraordinaire, une énorme chose métallique qui brille au soleil, et que vient encore longer une immense autostrada, laquelle est montée sur des piliers arrogants devant les plus beaux palais, coupant le regard en deux, incroyable horreur moderne, si incroyable qu’il faut peut-être en rire, parce que cette route suspendue dit bien que l’on n’est pas ici pour rêver, mais pour commercer, pour aller vite, pour traverser. Quoi ? Un palais du XIIIe siècle ? Mais qu’est-ce qu’on en a à faire ? J’ai un rendez-vous d’affaire, moi.

Christophe Colomb, qui aimait l’or et l’aventure, ne serait pas, sans doute, trop étonné de ce que sa ville est devenue.

Mais celui qui est venu à Gênes pour rêver n’en est pas empêché, il faut tout de même rendre justice à ces villes qui, sans se soucier le moins du monde de leur beauté, laissent au promeneur sa solitude.

 

Ainsi j'ai écrit naguère à un ami, retour d'Italie, que Gênes était une ville belle et laide à la fois, insupportable et magnifique ; je ne pourrais certes y vivre, mais j’ai aimé la poursuivre dans ses rues étouffantes, grasses, hautes et souvent élégantes… Au moins Gênes n’est-elle pas "touristique", et lorsque j’y fus, il y a peu, au beau milieu du mois de juillet, il n’y avait pour ainsi dire presque personne, c’est-à-dire qu’il n’y avait que peu d’étrangers voyageurs, et que les galeries de peinture, dans les palais, étaient vides, ô silence, ô beauté, ô joie.


 

mercredi, 28 août 2013

Villes belles

 

 

Comment visiter une ville lorsqu’on n’est pas un prince de ce monde, lorsqu’on a peu de temps ? Je crois que j'aime l’Italie, et j’ai vu Côme, naguère, avec ravissement, et les villas autour de Côme, dont les beaux parcs descendent vers le lac ; et j’ai aimé, passionnément, avec agacement, Florence, dont il paraît que c’est une belle ville, et c’est une belle ville, de loin, comme sur les peintures, mais le détail de la ville offre non pas la Beauté, mais des îlots de son souvenir, des fragments perdus dans les rues sales, dans le bruit, parmi les pancartes et les passants sans grâce, des lambeaux dans des églises et des parcs admirables dont l’entrée est payante. Une belle ville… Je préfèrerais une ville belle : en postposant l’épithète j’indiquerais quelque splendeur perdue dont seuls des livres, des peintures et quelques photographies anciennes peuvent encore témoigner. Les siècles passés, certes, ont connu des voyageurs qui se plaignaient déjà des villes, ainsi Montaigne qui, dans son Journal en Italie par la Suisse & l'Allemagne en 1580 & 1581, déplore les odeurs et les bruits qui l’assaillent. Que nous dirait Michel de Montaigne, qu'ajouterait-il à propos de nos villes à ses Essais mouvants ? Et Baudelaire ! Charles Baudelaire qui s’affligeait, vers 1860, des affiches sur les murs de Paris… Que dirait son fantôme aujourd’hui revenu, à quelle nausée plus immense encore succomberait-il ? Et François Pétrarque, qui se promena à Rome, en 1337, parmi les ruines antiques qui servaient de carrières...

Ainsi les villes belles ne sont plus – ce sont des masques désormais démasqués… Les puissants qui jadis ornaient les villes selon leur bon plaisir, et un goût souvent très sûr qu’ils apprenaient des artistes de leur temps, ont laissé la place à des puissants qui sont leurs héritiers mais dont la poursuite de la beauté ne rehausse plus le prestige, et dont la fortune, alors, est augmentée au rythme de la floraison, sans saison, des criardes pancartes, essaimées partout, vantant les produits que toute chose est à leurs yeux exclusivement devenue.

Il ne nous est que de déceler les îlots épars de la Beauté – il en est encore ! Prague, La Corogne, Athènes, Saint-Pétersbourg, Munich, Rome, Turin, Florence, Gênes, mille villes sont d'abord dans nos livres imaginaires ou réels, et c'est à nous d'en ouvrir les pages enluminées.