vendredi, 24 décembre 2021
De Paul Farellier
Le mercredi 22 décembre 2021 me fut remis le Prix Louis-Guillaume du Poème en prose 2021 pour mon livre La Table d'attente ; à cette occasion, Paul Farellier écrivit et lut ce texte de présentation qu'il m'a autorisé à reproduire ici. Je lui suis infiniment reconnaissant, pour tout.
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Quand on aborde ce livre pour la première fois, et que, bien évidemment, on ne connaît pas encore la richesse poétique que sa lecture va révéler, on se trouve sur un chemin d’apparence modeste. L’auteur nous y accueille d’abord par un titre d’aspect plutôt « tranquille » – La Table d’attente –. Puis la définition académique qui nous en est donnée, assure elle aussi une sérénité relative :
Table d’attente. Plaque, pierre, planche, panneau sur lequel il n’y a encore rien de gravé, de sculpté, de peint. Fig : C’est une table d’attente, ce n’est qu’une table d’attente, se dit d’un jeune homme dont l’esprit n’est pas entièrement formé, mais qui est propre à recevoir toutes les impressions qu’on voudra lui donner.
En réalité, dès le premier poème (Je suis ici le chemin dévorant – et cette offrande-là, unique soleil parmi les herbes, entre les pierres, c’est mon ardente éclipse), on découvre très vite que l’on va avoir affaire à des enjeux immenses. Et tout d’abord, le poète se posera la question fondamentale de sa propre existence et de sa présence au monde :
J’avais vingt-quatre ans, et je veillais près d’un château. Et je me disais : « Je suis sur une terrasse, à ne toujours pas savoir. Suis-je en ce monde un regard ? Suis-je une pensée ? Suis-je un monde d’os et de sang qui passe en écartant quelques voiles, ne suis-je que cette ombre, cette écume-là, vaine sur les dalles ?
Car la table d’attente n’a rien de la mythique page blanche qui, dans la légende littéraire, impatiente si souvent l’inspiration. Elle est le lieu d’une recherche héroïque de soi-même, lieu faste parfois, riche de découvertes revivifiantes, mais aussi lieu pouvant devenir hostile et désertique. Là, sur cet écran de voyance, se nourrit l’invincible mélancolie dont le poète évoquera les ombres multiples, les fera monter sur l’horizon de son histoire.
Que sont-elles, ces ombres ? Elles sont lui-même : regardées, rejointes à plusieurs âges de la vie, chacune témoignant d’une étape de la connaissance, d’une étape de la sensibilité, d’une étape aussi vers « l’autre ami », celui de cet autre visage ardemment recherché bien que le poète craigne qu’il « ne se rencontre peut-être pas ». Car ce livre est en quête perpétuelle d’un amour jamais rejoint, alors même que sa présence peut être si forte à travers les évanescences du rêve :
Une respiration, un baiser sur mes lèvres : est-ce toi qui viens jusqu’à mon corps troublé ?
Jadis je caressais tes oublis — J’attends le jour où je mettrai tes mains au creux des miennes : fuira-t-il assez cet oiseau qui est toi, loin de mes bras ?
(Il paraît que la haute mer connaîtra son corps épuisé — ses regards, ses saisons, ses années — dont les eaux feront des vents et des chansons.)
Un doigt sur tes lèvres et je viens m’y échouer.
Le poète lui-même se tient dans un espace d’ombre dont il dit qu’il lui est infiniment précieux (approfondir ma pénombre est mon entier trésor). Dans cet espace, sa ressouvenance est discontinue : non pas un flot de mémoire, mais un archipel d’étincelles où le passé regarde intensément le visage de l’avenir, et où se remémorer n’est qu’une suite de morts à l’éternel désir, à la beauté toujours mystérieuse, où chaque fois persévère malgré tout un espoir réenchanté.
Au terme, certainement provisoire, que constitue la dernière page de ce livre, le poète se trouve enseigné de son mode d’être au monde ; rien ne le fixe, rien ne l’arrime – se mouvoir, devenir, passer, mais tenir le monde par la mémoire et le regard :
Je suis ici le rythme et l’élan d’un autre vent, d’un autre chant, d’un autre temps.
Nuages ! Haltes incessantes, je suis ici le mouvant.
Je suis ici l’eau vivante — Mort ! Que je te peigne sur fond d’or ou d’océan… Soirs ! Que je vous baigne dans mes miroirs et mes rouges… Amour ! Que je t’invente…
Je serai là l’image qui manque, la ressouvenance, la pleine fenêtre et l’innombrable passant.
La vérité de ce très beau livre ne réside ni dans le caractère introspectif de sa démarche, ni dans le semblant d’autobiographie auquel on aurait grand tort de le réduire. Intemporelle, cette vérité n’a pu naître cependant que de la fluidité du temps et de la présence-absence du poète à chacune des étapes de son âge et dans leur entremêlement. De là dérive, pour ce livre, avec ces mots qui descendent vers nous dans leur tremblement et leur écho, la grâce de ce que Bonnefoy appelait « vérité de parole » et qui est seul garant de vraie poésie.
C’est à quoi nous avons été particulièrement sensibles. Il faut ajouter qu’en couronnant ce livre, notre jury s’est sans doute également souvenu qu’il avait à distinguer un ouvrage de poèmes en prose, c’est-à-dire un ouvrage composé d’authentiques poèmes, eux-mêmes écrits dans une véritable prose. La Table d’attente est, à cet égard, tout proche de ce qu’on pourrait appeler « notre idéal » : les quatre-vingt-dix-neuf pièces qui le composent sont indiscutablement d’admirables poèmes ; mais, de surcroît, la prose qui en forme le corps nous est apparue comme l’une des plus éblouissantes qui se puissent rencontrer dans la poésie de langue française d’aujourd’hui, en même temps que l’une des plus musicales. Lire ou écouter ce livre est un rare plaisir de l’esprit.
Paul Farellier
02:55 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Lectures, Soirées & manifestations, Une petite bibliothèque | Tags : paul farellier | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
jeudi, 23 décembre 2021
Dans la salle (2)
01:12 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Une petite bibliothèque | Tags : portrait | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Dans la salle
01:05 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Lectures, Soirées & manifestations, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
mardi, 21 décembre 2021
Les Prix du Poème en prose Louis-Guillaume 2020 et 2021
07:15 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Soirées & manifestations, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Les Prix du Poème en prose Louis-Guillaume 2020 et 2021
07:15 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Soirées & manifestations, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
lundi, 20 décembre 2021
Présentoir
Sur un présentoir de la librairie Livressence, 129, rue de Charenton, à Paris XII,
mon livre d'artiste avec Damien Brohon, Château transparent,
photographie : décembre 2021.
23:23 Écrit par Frédéric Tison dans Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
vendredi, 17 décembre 2021
Du lisible
16:09 Écrit par Frédéric Tison dans Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
vendredi, 10 décembre 2021
Le bandeau
Bandeau élaboré par Alain Breton, l'éditeur de mes livres (éditions Librairie-Galerie Racine),
en vue de la remise du Prix du Poème en prose Louis-Guillaume 2021, pour La Table d'attente.
17:57 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
jeudi, 02 décembre 2021
Remise officielle des Prix Louis-Guillaume du Poème en prose 2020 & 2021
La remise officielle des Prix Louis-Guillaume du Poème en prose 2020 & 2021
à Anne Lorho, pour Froissements (éd. La Rumeur libre, 2019)
à Frédéric Tison pour La Table d'attente (éd. Librairie-Galerie Racine,
coll. Les Hommes sans Épaules, 2019)
aura lieu le mercredi 22 décembre 2021
à 18h
Métro Blanche (Ligne 2)
22:13 Écrit par Frédéric Tison dans Le Prix Louis Guillaume du Poème en prose 2021, Soirées & manifestations, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
jeudi, 25 novembre 2021
En anglais
What reigns is hidden, murmurs, expands and stretches in a slower light. You are the precious body that time once sowed.
And in the water — castle of scattered thoughts — a flower is bursting. Your island fades away and begins again.
A house grows in the still lake with the sky where your dreams dwell and respond to the evening.
Frédéric Tison, La Table d'attente, éd. Librairie-Galerie Racine, collection Les Hommes sans Épaules, 2019, Livre II, poème XVIII. Traduction de l'auteur, avec quelques retouches par mon amie S*.
10:21 Écrit par Frédéric Tison dans Traductions, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
mercredi, 24 novembre 2021
En italien
Non basta il tuo ardore : bisogna che il giorno ti sogni.
Impari dalla nuvola la lezione bianca e leggera, la lira trasparente che suona da sola ; le soste e la fretta ; la dispersione.
Anche nella città ci sono questi urti, questi sospiri — improvvisi silenzi, sirene audaci —, tanti astri che derivano.
Frédéric Tison, Nuages rois,
éd. Librairie-Galerie Racine, collection Les Hommes sans Épaules, 2021,
« Ciels II », poème XVIII. Traduction de Claire Boitel.
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En italien
Una regina sfugge in questi luoghi.
Aveva lasciato questo paesaggio ; le sue lacrime erano cadute come offerte.
Qui giace il suo viso, che si rivela senza parlare, come la neve sui tetti.
Frédéric Tison, Nuages rois,
éd. Librairie-Galerie Racine, collection Les Hommes sans Épaules, 2021,
« Ciels I », poème XIX. Traduction de Claire Boitel.
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jeudi, 30 septembre 2021
En espagnol
J'ai le plaisir de signaler la traduction en espagnol de quelques-uns de mes poèmes dans la revue de poésie péruvienne Kametsa :
Poesía internacional : Frédéric Tison (Francia)
Avec un très grand merci à Emilio Martin Paz Panana et la revue Kametsa.
Con un gran agradecimiento a Emilio Martín Paz Panana y la revista Kametsa.
17:01 Écrit par Frédéric Tison dans Revues, Traductions, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
vendredi, 24 septembre 2021
En anglais
Blue crescent moon,
Sudden stars strewn
Among the flowers of galaxies :
You live in this sown country.
High rhythms, suns of music,
Wide multiplied eyes :
In the skies of your rains I see
Those pieces of light that rustle.
Frédéric Tison, traduction en anglais, par l'auteur, d'un poème isolé (avril 2019),
non repris dans un livre,
poème en langue française accompagné d'un dessin au pastel de l'auteur (avril 2020) qui a donné lieu à une carte d'art.
00:19 Écrit par Frédéric Tison dans Traductions, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
vendredi, 17 septembre 2021
Kametsa
Frédéric Tison (Tarbes, Altos Pirineos, 1972) vive y trabaja en París, donde es responsable de una biblioteca escolar. Es autor de diez libros de cuentos y poesía. En 2013 colaboró con el pintor y grabador Renaud Allirand para un libro de artista, Otra ciudad , presentado al Gabinete de Artes Gráficas del Museo de Bellas Artes de Orleans. También es editor de textos raros y olvidados de los siglos XIII, XV y XVI (Jehan Renart, Charles d’Orléans, Maurice Scève, Étienne Dolet…). Todavía publica, como fotógrafo aficionado, sus propios álbumes de fotos y practica la acuarela y la tinta china. En un francés muy puro, moderno ciertamente, pero regado en profundidad del pasado de la lengua, Frédéric Tison sabe defender su joven independencia y la originalidad de su pensamiento poético. Los mitos antiguos, tanto como el trobar, o incluso la preocupación mallarmeana por el “Libro” y las obsesiones de lo inactivo y lo incompleto rozan el fondo, la decoración mental de una creación ambiciosa y muy evolutiva. Frédéric Tison recibió el Premio Aliénor 2016 por su libro de poemas, Le Dieu des Portes.
***
Narrador en sueños, arena bajo el mar, ¿cuándo contarás tu edad y tu historia?
Tu habitación tiene su fuente en agua clara. Una montaña retumba en ti.
Narrador en sueños, memoria con alas nuevas, ¿hay alguien detrás de ese bello rostro?
***
Nacieron otras savias
Así te hablan los jardines del sol y las flores de la estrella oscura que habita en tu corazón.
En este camino donde dormía tu casa, conoces toda la nieve en las ventanas y las canciones andrajosas en millones de años.
Surgiste de una sangre antigua.
En cada plaza de tu ciudad esculpas a los dioses de los ríos.
***
Aquí estoy la canción de otro país, otro tiempo, otro puerto.
Estoy aquí en el jardín por un momento. Pasa la hora y soy expulsado como un mendigo.
Aquí estoy la historia olvidada: abro libros cubiertos de terciopelo blanco para encontrar la flor inusual pintada sobre un fondo plateado.
***
Vivir de nuevo en las terrazas por donde caminaste
– Acechar el sueño de los árboles altos – Creer que estás solo en el laberinto de voces:
esta es mi obra clara.
Ahora me levantas, no me rompes contra el viento.
Me haces rama y agua corriente: este es tu trabajo suave y completo.
***
Ciudades enteras, eres el pasajero silenciado por los pájaros de cada calle, pero dejas las ciudades,
y he aquí, contigo van tus fábulas y tus esplendores.
(Es él, es él a quien amas – sus huellas en tu cuerpo y tus sábanas – él también se va, a veces ya no está
– Te revela tu belleza, tu amor y tu espejo – Oh, nunca destruyas la alegría … )
Pasando ciudades enteras y viviendo en el cielo de repente
– ¡Sí! ciudades enteras el pasajero que de pronto narra la ciudad imaginada, donde suenan todos los amores.
23:13 Écrit par Frédéric Tison dans Traductions, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |