Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 08 février 2021

Sur La Table d'attente, par Claire Boitel : une note de lecture

 

 

Note de lecture de Claire Boitel sur La Table d'attente de Frédéric Tison :

 

Frédéric Tison utilise l'héraldique pour nommer les chapitres de son recueil, tournoi aux couleurs de la Beauté, dans un mouvement ascendant : Sur champ de sable (noir), Sur champ d'argent, Sur champ d'azur, Sur champ d'or.

Ce sont des écus vides sur lesquels le poète greffe ses fantasmagories précieuses, créant ainsi ses propres blasons.

Le support est toujours cette Table d'attente, qui trouve sa place entre le Livre II, argent, et le Livre IV, azur, comme si à l'intérieur même de l'attente il y avait des goûts différents, la pré-attente et la post-attente, tout ceci étant encore Attente.

"Je rêvais qu'un ciel était peint à la feuille d'or."

La Table d'attente réunit harmonieusement les quatre éléments :

Sous le signe de l'eau (fontaines, pluie, neige, larmes, miroir, torrents...), l'eau fuyante et indéterminée, l'eau qui attend le corps aimé, son "beau visage".

Dans l'eau s'exprime le mystère de l'Autre désiré :

"les clefs lourdes des fontaines", "Je trouble tes ombres dans la fontaine sculptée, j'y plonge des clefs lourdes", la dernière allusion faisant écho à la première, chacune respectivement en début et en fin du chapitre III, La Table d'attente.

Peut-être le miroir résoudra-t-il l'énigme :

"— J'écris cela dans une chambre d'hôtel face à un grand miroir où je croise mon regard."

Sous le signe du feu (cendres, phare, éblouissements, soleil, or...), car il s'agit de la recherche d'un alter ego aussi flamboyant que soi :

"Six ailes et six flammes : leur veille près d'une porte entrebâillée — puis sur ton ombre leurs vents de braise et leurs nombres affleurant : soirs et matins.

Des verrous brisés, mais des yeux encore fermés : clos sur la pensée, clos sur l'idée...

Six ailes et six flammes : loin de tout charme — six ailes et six flammes ignorées."

Un alter ego aussi fin, aussi sensible que soi...

Le poète, "ardente éclipse", instaure un jeu de cache-cache, un jeu de miroirs entre lui-même et ce "jeune homme (...) propre à recevoir toutes les impressions qu'on voudra lui donner."

Ces impressions, ne sont-elles pas la mer et ses ports, la ville aux multiples visages, les émotions mêmes du poète ?

Sous le signe de l'air (fenêtres, ailes, oiseau, vent...) car le poète est libre, libre et fragile. Nostalgique. Le vent est le symbole du temps :

"Perdu", me dit le vent — et la maison succombe dans les sables avec les visages et le temps. J'ai un meuble de château dans un salon minuscule ; la fenêtre est ouverte et la musique est vaste qui s'en va avec le vent ; mon corps est fragile et tendre. Mes livres innombrables le savent dont j'ai oublié presque toutes les pages."

Sous le signe de la terre enfin (villes, terrasses, tours et toute l'architecture de la nature).

Alchimie merveilleuse du poète qui se transmute en neige, en oiseau, en ville...

"O solitaire.

Il neigera demain : oh ta hâte de t'échouer, de t'apaiser, de régner — de t'échouer lent parmi les feuilles et les pierres, de t'apaiser au terme du songe, de régner blanc sur la terre.

O fiancé."

Voici que la neige aimée tombe sur la terre qui l'attend, table d'attente ; voici aussi que la terre aimée reçoit la neige qui n'attendait que de se poser sur elle.

De ce double mouvement naît le couple.

Couple fantôme, mais chez Frédéric Tison les fantômes s'incarnent, sont "d'os et de sang" grâce à une immense émotion, toujours plus loin dans les mots qui tuent :

"s'offrant au soir où les lampes sont nues et les visages émus d'avoir été tant aimés — certains sont morts d'avoir été tant adorés.

Ce n'est que la terre, ce n'est que la pluie — cette brume où la nuit devient ce qu'elle balbutiait ; cette terre, cette pluie.

Ce n'est que le monde, ce ne sont que des miroirs sombres si rêvent mes instants seuls clairs."

Entre le rêve et le conte, le poète est ce chevalier qui porte vierge son écu et ce magicien qui a fait apparaître son blason.

 
Claire Boitel, in Les Hommes sans Épaules n°50, second semestre 2020.
 
 
 
 

mercredi, 16 octobre 2019

Lecture par l'auteur

 

 

_____________________

 

 

 

Lecture, par l'auteur, d'un poème du livre d'artiste

Une autre ville,

poèmes de Frédéric Tison, encres de Chine et gravures de Renaud Allirand (2013)

Se procurer l'ouvrage.

 

(Avec un grand merci à Norbert Crochet, qui a réalisé la vidéo d'après mon enregistrement.)

 

___________

 

Où es-tu parce que les immeubles

Augmentent et que je t’ai perdu

 

C’est une harpe que l’on brise

Celle qui t’égare dans la ville

Mais tu vas tellement mourir

Qu’il a fallu que je te dise :

 

Je viens vers toi qui me souviens

De ton corps une fois tu –

 

Silence, silences sur silences et rues

Armées de fer où ta venue

Soudaine et souveraine fut vaincue

Si tes jambes peu à peu disparurent

 

Où es-tu parce qu’une ville s’achève

Où tu es nu

 

____________

 

 

 

jeudi, 14 mai 2015

Dans les années profondes

 

 

 

Tout à l'heure, tandis que, chez un bouquiniste, je flânais dans les rayonnages à la recherche de quelque ouvrage rare, je reconnus, parmi les dos par centaines, des titres de livres aimés ; mais ces livres, me sembla-t-il alors, je les lus dans une vie antérieure.

Autant mes premières lectures d'enfant, Les Trois Mousquetaires, Les Malheurs de Sophie, Le Capitaine Fracasse, résonnent toujours (comme éternellement) en moi, des livres tels que Les Travailleurs de la mer, les Mémoires d'Hadrien, Le Maître et Marguerite ou La Colère de l'Agneau, lectures d'adolescent ou de jeune homme, d'étudiant ou de jeune professeur, me semblent appartenir à plusieurs autres de mes vies, à plusieurs autres dans mon corps et mes yeux, selon quelque Passé comme rêvé, perdu, éclaté dans ces années que Baudelaire qualifia terriblement de profondes. Il me faudrait tout relire, toujours, mais alors ce serait dans cette vie, en mai de l'an de grâce 2015.

Oh oui, nos livres lus sont nos années, après que nous avons passé dans le temps.

 

 

 

mardi, 18 mars 2014

Lecture publique

 

 

 

 

 

 

À l'occasion de l'exposition "Écritures rebelles, encres, gravures & livres d'artistes" de Renaud Allirand (février-mars 2014) à la Bibliothèque Léon Deubel de Belfort, dans le cadre du Printemps des poètes 2014, et coïncidant avec la cérémonie de l'inauguration du nouveau nom de cette bibliothèque, anciennement "Bibliothèque des 4 As", lecture, par Frédéric Tison, du cinquième et dernier poème du cahier Une autre ville (2013), poèmes de Frédéric Tison, encres de Chine et gravures de Renaud Allirand, le samedi 15 mars 2014.