Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 31 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (12)

 

 

Introduction.

 

  



« 28. Le livre de Christine, fait por feue madame d’Orléans [Valentine Visconti ; cf. livre 25.], couvert de cuir rouge marqueté, faisant mencion de la description de la preudomie de l’omme, escript en françois, en lettre courant, à deux fermoers de cuivre. »

Il s’agit du Livre de la Prud’homie de l’homme, ou Livre de Prudence, écrit par Christine de Pisan en 1405-1406. La « prud’homie » ou « prod’homie » signifie l’honnêteté, la probité, la moralité, la respectabilité. La « prudence » est à la fois la « sagesse », la « clairvoyance », et le « savoir-faire ».

 

 

« 29. Les livres de Chatonnet, Facet et Cartula, en ung petit volume en lettre de forme, couvert de cuir rouge marqueté. »

Chatonnet ou Catonnet renvoient au « petit Caton », par référence à Dionysius Caton, un écrivain latin du IIIe ou IVe siècle, qui écrivit quatre livres de distiques à caractère moral qui eurent un grand succès au Moyen Âge. Facet et Cartula sont deux recueils paraphrasant ces distiques, et ils furent de nombreuses fois traduits en français. La plupart des bibliothèques médiévales possédaient leur « petit Caton ».

 

 

 

(à suivre.)

 

 

 

mercredi, 29 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (11)

 

 

Introduction.

 

  

 

« 25. Le Livre du prieur de Salon, fait pour excuser feue madame d’Orléans et autres des charges à eulx imposées sur le fait de la maladie du roy [Charles VI] ; couvert de cuir rouge, escript en françois, rimé, historié à mi [à moitié : l’ouvrage n’est décoré de miniatures que pour moitié : est-ce délibéré, ou bien est-ce un travail inachevé ?], tout neuf, à deux fermoers d’argent dorés, escript dessus Ave Maria. »


N’ayant rien trouvé de plus, je me contente ici de recopier partiellement et d’annoter ce qu’en dit Le Roux de Lincy : « Voici un livre d’une assez grande importance, tant à cause de l’auteur dont il est l’ouvrage, qu’à cause des circonstances dans lesquelles il fut composé. Le prieur de Salon, ici nommé, n’est autre qu’Honoré Bonnet, prieur de l’abbaye de Salon en Provence, si connu par son livre de l’Arbre des batailles, qu’il dédia à Charles VI. Feue madame d’Orléans, qu’il avait défendue des charges à elle imposées sur le fait de la maladie du roi, c’est Valentine de Milan*, accusée en effet d’avoir entretenu par des maléfices la folie de Charles VI. »

*Valentine de Milan (vers 1370-1408) est Valentine Visconti, la mère de Charles d’Orléans, enfant issu de son mariage avec Louis de France (Louis d'Orléans), fils de Charles V et frère de Charles VI.

 

« 26. Les Epistres saint Pol, glosées en lettre de forme, historiées, toutes neufves, en latin, à deux fermoers semblans d’argent dorés, esmailliés aux armes de Monseigneur, couvert de soie figurée [ornée de figures, de symboles]. »

 « Les Épîtres de saint Paul avaient été acquises par Louis d’Orléans, le 23 septembre 1394, d’un nommé Jehan de Marson, scelleur [« celui qui appose le sceau »] de l’université de Paris, moyennant la somme de vingt francs or. » (Le Roux de Lincy)

 

« 27. Le livre de Thérence, neuf, avec l’exposicion [commentaire, explication], en latin, à lettre courant, couvert de rouge, marqueté, à deux fermoers de cuivre. »

Térence, né à Carthage vers -190 avant J.-C. et mort vers -159, était beau, et il était brillant : esclave dès son enfance, il fut vite affranchi. Durant sa vie brève, il composa six comédies qui, par extraordinaire, sont parvenues jusqu’à nous. Ce fait rare l’était déjà du temps de Charles d’Orléans.


 

(à suivre.)

 

 

 

 

lundi, 27 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (10)

 

Introduction.

 

  

 « 23. Le livre du corps de police, escript en françois, lettre bastarde, couvert de cuir rouge marqueté, neuf, à deux fermoers de cuivre, fait par Christine. »


Christine de Pisan est l’auteur de ce Livre du Corps de Policie [« gouvernement », « organisation politique »] (1404-1407), sorte de « miroir du prince ». Selon l’auteur, le peuple de France est issu des Troyens, ce qui place la France au-dessus des autres pays et royaumes du monde ; elle développe alors des considérations sur la manière de gouverner et le prince « idéal », qu’incarna la figure du « bon » roi Charles V (dont le fils Charles VI règne alors sur la France ; le père de Christine, Thomas de Pisan, avait été au service de Charles V).

 

 

« 24. Le livre de Boece de consolacion, neuf, historié, escript en françois, rimé, couvert de soie ouvrée [ornée de broderies], à deux fermoers semblans d’argent dorés, armoyés. »


La Consolation de la philosophie (524) du poète et philosophe Boèce (vers 470-524) fut, après la Bible, le livre le plus lu, ou du moins le plus célèbre, durant tout le Moyen Âge. Boèce a été emprisonné sur l’ordre de Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths, qui l’accusait de trahison. Seul et désespéré, il reçoit la visite d’une dame allégorique, Philosophie, qui lui apportera le réconfort, par le savoir et la sagesse.

Une quittance a été conservée qui indique que Louis d’Orléans avait acheté ce livre le 9 septembre 1394 à Olivier de Lempire, libraire à Paris.



(à suivre.)

 

 

 

samedi, 25 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (9)

 

 

 

Introduction.

 

 

 

« 21. Les Institutes de l’empereur Justinien, en lettre de forme ancienne, en françois, couvert de cuir vert, à deux petiz fermoers de cuivre. »

 

Le manuel de droit Institutiones Justiniani (publié en novembre 533) fut composé par les érudits Tribonien, Théophile et Dorothée sur ordre de l’empereur byzantin Justinien Ier (vers 483-565, empereur en 527). Ce recueil de lois en quatre parties aborde les questions du droit de la personne, puis de la propriété (les « biens »), ensuite des contrats et des héritages (les « obligations »), enfin des crimes et des délits (la « justice »). Il s’inspire directement des Institutes du juriste romain Gaïus (120-180), ensemble de manuels de droit romain datant de 160 environ.

 

« 22. Ung petit livret appellé le Voyage d’oultre mer, en françois, lettre de forme, couvert de cuir blanc. »

Je ne sais pas ce qu’est ce petit livre. Il existe bien un Voyage d’Oultre-mer, mais il fut rédigé au moins six ans après cet inventaire.

(Son histoire est intéressante, et je la résume ici : l’écuyer Bertrandon de la Broquière ou de la Brocquière (fin du XIVe ou début du XVe siècle – 1459 ?) écrivit ce livre au retour d’un voyage effectué entre 1432 et 1433 en Terre Sainte à la demande de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1396-1467). Son voyage le mena de Gand à Jérusalem, en passant par Rome, Venise, Rhodes, Chypre et Jaffa. Bertrandon de la Broquière revint par voie de terre, à travers l’Empire turc. La relation de cette aventure avait pour objectif de fournir au prince des informations de première main sur la possibilité d’une nouvelle croisade.)

Une possibilité – très incertaine – serait que ce Voyage d’oultre mer désignât un extrait du Livre de merveilles du monde (1355-1357), de Jehan de Mandeville (?-1372), chevalier et explorateur anglais. Ce livre, également connu sous les titres Un Roman sur les merveilles, Voyages ou Une Geste, est le récit d’un voyage mi-réel mi-légendaire en Afrique du Nord, en Terre Sainte et en Asie. On connaît également de Mandeville un manuscrit intitulé Le Livre des parties d’Oultre mer.


________

Note : J'ai oublié de préciser, dans mon Introduction, que j'ai tenté tout d'abord de découvrir les auteurs et les sources des livres de cet inventaire sans recourir aux précisions de Le Roux de Lincy. Ce fut quand mes recherches restaient infructueuses que je les consultai. Mais il arrive à Le Roux de Lincy lui-même de rester coi : ce Voyage d'oultre mer, par exemple, l'embarrasse manifestement : il cite la ligne de l'inventaire pour immédiatement passer à la ligne suivante...

 

(à suivre.)



jeudi, 23 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (8)

 

 

 

Introduction.

  

 

 « 18. Le Livre de Vegece de chevalerie, en françois, lettre de forme, sans histoire, couvert de cuir rouge marqueté, à deux petiz fermoers de cuivre. »


« 19. Le Livre de Vegece de chevalerie, avecques le testament de maistre Jehan de Meun, escript en françois, lettre de forme, historié, couvert de veloux noir, à deux petiz fermoers de cuivre. »

 

Ces deux livres contiennent la traduction augmentée du livre De re militari, un ouvrage de tactique militaire composé par l’écrivain romain Végèce (fin du IVe siècle-Ve siècle). Si cet ouvrage fut traduit de nombreuses fois, notamment par l’érudit Jean de Vignay (vers 1283-après 1340, cf. le livre 3. de cet inventaire), la mention du « testament » qui suit le texte traduit indiquerait qu’il s’agit, du moins pour le livre 19., de la traduction, publiée en 1284, du continuateur (après Guillaume de Lorris) du Roman de la Rose, Jehan de Meung (vers 1240-vers 1305).

 

« 20. Le Psautier, en françois, en deux volumes, à lettre de forme, sans histoires, couvers de veloux vermeil. Chacun volume a deux fermoers semblans d’argent dorés, dont l’un est esmaillié et armoyé aux armes de Monseigneur. »

 

Il me semble curieux que ce recueil de Psaumes n’ait pas été enluminé, comme c’était l’usage, du moins pour la collection de tels seigneurs ; sa qualité de traduction en français explique peut-être cela, seul le texte latin (ou grec) méritant un tel embellissement.


(à suivre.)





mardi, 21 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (7)

 

 

 

Introduction.

 

 

 

« 16. Le Livre du chemin de long estude, en lettre courant, en françois, couvert de cuir rouge marqueté, à deux fermoers en cuivre. »

Christine de Pisan (1364-1430) est l’auteur de ce beau livre en vers, Le Chemin de Longue Étude (1403), dédié à Charles VI. La narratrice, nommée Christine, raconte comment, alors qu’elle était seule et désespérée, elle reçut durant son sommeil, dans une vision, la visite de la Sybille de Cumes. Celle-ci l’entraîne dans un voyage extraordinaire (le « chemin de Longue Étude ») : Christine découvre le monde, les lieux bibliques et légendaires, elle s’approche du paradis terrestre dont l’entrée est toujours interdite, puis elle gravit, par le moyen d’une échelle, l’air, l’éther, le feu, l’Olympe et le firmament (les cinq ciels). Au firmament, elle assiste à un débat animé entre plusieurs Dames, personnifications de la Sagesse, de la Noblesse, de la Chevalerie et de la Richesse, au sujet du remède à apporter aux guerres incessantes entre les hommes et à leur cortège de malheurs et de destructions. Dame Raison, leur reine, décrète qu’il faut trouver un homme parfait à même de gouverner harmonieusement le monde. Chaque Dame plaide sa cause : Sagesse décrit l’homme parfait sous l’aspect de la bonté et du savoir incarnés, Noblesse souhaite que cet homme soit issu d’une illustre lignée, Chevalerie insiste pour qu’il soit preux et invincible, Richesse pour qu’il soit l’homme le plus riche du monde. Le conseil de Raison, malheureusement, ne peut trancher en faveur du héros de l’une ou l’autre Dame. C’est alors qu’il décide de confier la résolution du débat à une cour terrestre, la plus grande et la meilleure étant la cour de France (c’est l’évidence même). Christine sera chargée par la Sybille d’être la messagère de la cour de Raison auprès des princes français.

Il s’agirait de l’exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de France : le manuscrit B, coté 1643.

 

« 17. Le Reclus de Morléans, contenant plusieurs aultres traités en lettres de forme, neuf, couvert de cuir rouge marqueté, à deux fermoers de cuivre, historié, et à lettres d’or partout. »

Il s’agit, d’après le bibliothécaire, conservateur à la Bibliothèque nationale et érudit français d’origine flamande Joseph Van Praët (1754-1837), d’un livre de morale ascétique, en vers, Le Roman de Charité, écrit, au XIIe ou au XIIIe siècle, par un auteur qui se nomme « le Reclus de Morléans », ou « de Morlians » ou encore « de Moliens » (s’agit-il de la commune française picarde ?). On trouve sous sa plume un autre ouvrage intitulé Le Miserere.

 

 

(à suivre.)

 

 

vendredi, 17 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (6)

 

 

Introduction.

 

 

 

 « 13. Les Epistres Pierre de Poictiers, en latin, à lettre de forme, neufve, sans histoires, couvert de veloux noir, non complètes, à deux fermoers de cuivre. »

 

Il est difficile de décider si l’auteur est le chanoine et théologien Pierre de Poitiers (vers 1130-1215) ou bien le chancelier de l’École cathédrale de Paris et théologien Pierre de Poitiers (?- mort vers 1205), qui succéda à Pierre Comestor ou Pierre-le-Mangeur (cf. le livre 4. de cet inventaire) comme prévôt des écoles, lesquels, tous deux, laissèrent des Lettres.

 

 

 

« 14. Les questions Hebriex de saint Jheroysme, escriptes en latin, lettre de forme bastarde, couvert de veloux noir, à deux mauvès [mauvais] fermoers d’arain, sans histoires. »

 

Il s’agit d’un ouvrage de saint Jérôme (Jérôme de Stridon, vers 347-420) sur des livres de l’Ancien Testament : son titre "original" est Quaestiones seu Traditiones hebraicae in libros Regum et Paralipomenon.

 

 

 

« 15. Le livre de Meliador, en françois, historié, lettre de forme, couvert de veloux vert, à deux fermoers semblans d’argent dorés, esmailliés de Monseigneur. »

 

C’est le roman en vers Méliador (1365-1388) de Jean Froissart, dont l’action se déroule en Écosse, en Angleterre et en Irlande : il narre les aventures de preux chevaliers arthuriens, et notamment la geste de Méliador, lequel est amené à conquérir, au terme de moult épreuves, la main d’Hermondine, la fille du roi d’Écosse. Ce roman est l'un des derniers avatars de la littérature selon le rêve de la geste du roi Arthur... (Je dois dire que je l'ai rapidement parcouru : nous sommes là bien loin, hélas, des enchantements du Haut Livre du Graal. Cela dit, la grandeur de Froissart n'en est pas amoindrie.)

 

 

 

(à suivre.)

 

 

 

mardi, 14 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (5)

 

 

 

Introduction.

 

 

   

 « 11. La Bataille et destrucion de Troie, en françois, en lettre de forme ancienne, historiée, couvert de veloux noir, à deux fermoers d’argent blanc, par semblance [d’après ce que l’on peut apercevoir]. »

 

Le Roux de Lincy écrit que ce livre est la « traduction du livre apocryphe attribué à Darès le Phrygien et à Dictys de Crète, ou de celui de l’Italien Gui de Colonne ».

 

Selon L’Iliade, Darès le Phrygien est un prêtre troyen du dieu Héphaïstos. Élien (vers 175-vers 235), dans sa passionnante Histoire variée (XI, 2), évoque un Darès le Phrygien qui, en tant que contemporain des événements de la Guerre de Troie, en aurait fait le récit. Un texte, Histoire de la destruction de Troie, se présentant comme la traduction latine de ce récit, fut édité de nombreuses fois au Moyen Âge ; on l’attribuait à l’écrivain Cornélius Nepos (moins 100 av. J.-C. – moins 29 ou 25 av. J.-C.), l’ami de Catulle, mais on sait aujourd’hui que l’ouvrage ne peut pas avoir été composé avant le IVe siècle.

 

Dictys de Crète, lui, toujours selon Homère, était un compagnon d’Idoménée, roi de Crète, lors du siège de Troie. On lui attribuait un Journal, l’Éphéméride de la Guerre de Troie, qu’un auteur nommé Quintus Septimus aurait retrouvé et traduit en latin sous Néron. Les Papyri d’Oxyrhynque révélèrent l’existence d’un original grec, mais la traduction latine date du IVe siècle après J.-C.

(J'oubliais : Pétrarque possédait un exemplaire de ce livre !)

 

L’Iliade fut traduite en latin, et ce, au Ier siècle après J. C. Mais l’œuvre d’Homère est très lacunaire quant à l’histoire de la Guerre de Troie. Les deux ouvrages de Darès et Dictys restaient la source essentielle, au Moyen Âge, des événements historico-légendaires.

 

De Gui de Colonne (ou Guy des Colonnes), malgré mes recherches je ne sais rien sinon qu’il fut l’auteur, à une date inconnue de moi, d’une Histoire de Troie. Je me propose d’approfondir ce mystère, mais j’appelle ici mon Lecteur de passage s’il en sait davantage !

(Addendum)

 

 

« 12. Le Dit royal, en françois, rimé, en lettre de forme, historié, couvert de veloux noir ; et le dit livre est tout neuf. »

  

Le Roux de Lincy pense qu’il s’agit d’un poème perdu de Jean Froissart, le grand chroniqueur (vers 1337-vers 1404). En effet, il cite une quittance relative à cet ouvrage, datée du 7 juin 1393 (l’acquéreur est donc Louis d’Orléans, le père de Charles) :

 

« A tous ceux qui cez présentes lettrez verront ou orront [entendront], Maihieu garde lieutenant du bailli [représentant d’un seigneur] d’Abbeville salut, savoir faisons que par devant nous est aujourd’hui venus en sa personne sire Jehan Froissart prestre et c[h]anoine de Chimay, si comme il dist, et a recogneut avoir eu et receu de Monseigneur le duc d’Orliens, par les mains de Godefroy Lefevre varlet de chambre du dit seigneur et commis de par lui à la garde des deniers de ses coffres, la somme de vingt frans d’or, pour cause d’un livre appelé le Dit Royal que mon dit seigneur a acaté [acheté] et eu du dit prestre, de la quelle somme de xx frans d’or dessus dis, il s’est tenus pour content et bien paié ; et en quite le dit seigneur le dit Godefroy et tous autres (…) ».

 

 

(à suivre.)

 

 

 

 

dimanche, 12 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (4)

 


Introduction.

 

 

 

 

« 8. Les trois Pélerinages de vie humaine, de Jhesu Crist et de l'ame, en françois, lettre courant, couvert de vieux cuir marqueté. »

   

Ces trois Pèlerinages (Le Pèlerinage de la vie humaine (1330-1331), Le Pèlerinage de l'Âme (1355-1358) et Le Pèlerinage de Jésus Christ (1358)) sont l'œuvre du poète et moine cistercien Guillaume de Digulleville (1295-après 1358). Cette trilogie est ici réunie en un seul livre. S'inspirant du Roman de la Rose, Guillaume de Digulleville développe de façon allégorique le thème de l'homme voyageur (homo viator), sur le chemin des vices et des vertus, entre tentations et séductions. Il dira avoir eu la vision de la Jérusalem céleste et de ceux qui y pénètrent. 

  

 

« 9.  Les Decretalles, en françois, lettre de forme, couvertes de veloux noir, à fermoers semblans d'argent dorés, esmailliés aux armes de monseigneur d'Orléans. »

  

Ces Décrétales sont un corpus de textes de droit canonique publiés en 1234  par le pape Grégoire IX (1145-1241, cent-soixante-dix-huitième pape en 1227).

Selon toute probabilité, il s'agit du manuscrit 7053 conservé aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France. 

  

 

« 10. La Somme le Roi, en françois, en lettre de forme, historiée au commencement des vices, couverte de veloux noir, à deux fermoers de cuivre, en la fin du quel est la vie saint Denis. »

  

Cet ouvrage, publié en 1279, est également intitulé Livre (ou Somme) des commandements de Dieu, ou Livre royal de vices et de vertus, ou encore Le Miroir du monde. Son auteur est frère Laurent du Bois, le confesseur dominicain de Philippe le Hardi (Philippe III de France, fils de Saint Louis et père de Philippe le Bel, roi de France de 1270 à 1285 (à ne pas confondre avec le fastueux Philippe le Hardi, le duc Philippe II de Bourgogne (1342-1404)...)). Beaucoup de laïcs, du XIIIe au XVe siècles, en usaient comme d'un manuel d'instruction religieuse et morale.

 

Il n’est pas possible (à mes yeux !) d’identifier la version des nombreuses Vies de saint Denis, l’un des saints les plus importants du Royaume de France, qui est reproduite à la fin de ce livre.



(à suivre.)

 

 

 

vendredi, 10 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (3)



Introduction.



« 5. Le second volume de la Bible en françois, historiée, à lettre de forme, tout neuf, couvert de veloux noir, à deux fermoers semblans d'argent dorés, esmailliés aux armes de monseigneur d'Orléans. »


« 6. Le Livre de la naissance de toutes choses, en françois, lettre de forme, par l'inventoire baillié ainsi nommé [nommé ainsi dans l'inventaire présenté ici], et par la table d'icellui livre assavoir au comencement nommé : Le Livre du Trésorcouvert de veloux noir, à deux fermoers semblans d'argent dorés, esmailliés aux armes de monseigneur d'Orléans. »


« 7. Ung Livre de la naissance de toutes choses, avec les vices, escript en françois, couvert de veloux noir, en aucunes places historié. »


Le sixième et le septième livres de l'inventaire sont deux exemplaires de l'encyclopédie du maître et de l'ami de Dante,  Brunetto Latini (vers 1220-1294), Li Livres dou Tresor, écrite en picard et tentant de recenser l'ensemble des savoirs de son temps. L'érudit y expose également la théorie politique de la République de Florence. Le Livre de la naissance de toutes choses, et la Nature de vices et de vertus est le titre donné, avec des variantes selon les éditions, à la traduction française du Livre du Trésor.


(à suivre.)



 

mercredi, 08 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427 (2)


Introduction.

 

 

« 3. Une Légende dorée en latin et lettre de forme, neufve, couverte de veloux noir, non historiée, sans fermoers. »


Que l'ouvrage (1261-1266) de Jacques de Voragine soit le troisième ouvrage recensé après la Bible et Les Métamorphoses semble naturel : le livre, une collection de Vies de saints, est une mine d'anecdotes amusantes, terrifiantes ou déconcertantes, et son caractère à nos yeux souvent extravagant ne doit pas faire oublier qu'il fut l'un des livres les plus lus de son temps. Moins d'un siècle seulement après sa composition, il était traduit en français par Jean de Vignay, et il fut, en 1476, à Lyon, le premier livre imprimé en langue française. Il suffit parfois, pour comprendre l'iconographie d'une cathédrale ou les motifs religieux d'un peintre flamand ou italien des XIVe et XVe siècles, de se munir de la Légende dorée. (Je signale à mon Lecteur que l'édition de la Bibliothèque de la Pléiade est excellemment faite, je pense notamment à son index très pratique.)

On remarquera que le mot désignant les fermoirs du livre est, dans le même texte, à deux lignes d'intervalle, écrit avec deux orthographes différentes : fermaulx et fermoers.

 

« 4. Unes Histoires scolastiques, en françois, déclarans [expliquant, élucidant] les histoires de la Bible, depuis le comencement du monde jusques à l'ascension de Nostre Seigneur, escriptes en françois, toutes neufves, à lettre bastarde, historiées et dorées en plusieurs lieux, couverte de veloux noir, à deux fermoers dorés, esmailliés aux armes de monseigneur d'Orléans. »


Le Roux de Lincy écrit que « les lettres bastardes constituaient un genre d'écriture fort usité au quatorzième et quinzième siècles, et qui tenait à la fois du caractère de forme et de la cursive ».

 

Il s'agit de l'Histoire scolastique de Pierre Comestor ou Pierre-le-Mangeur dit aussi Manducator (1100 ? - 1179 ?), chancelier de l'église de Paris. Jean Trithème nous apprend qu'il était nommé ainsi non parce qu'il était particulièrement gourmand, mais parce qu'il dévorait les livres. Son Histoire scolastique, destinée à un public scolaire, est un abrégé de l'Ancien et du Nouveau Testament, dont il comble les vides historiques par des citations de Flavius Josèphe et d'autres auteurs profanes. Guyars des Moulins, doyen de l'église de Saint-Pierre d'Aire en Artois, la traduisit en français en 1297.

 

 

(à suivre.)

 

 

 

lundi, 06 janvier 2014

La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427

 

 

J'eus naguère l'idée d'éditer, sous la forme d'un petit livre, les Onze Ballades du Puy de Blois, le fameux concours de poésie que proposa aux poètes de sa cour, vers 1457-1460, Charles d'Orléans sur le thème « Je meurs de soif auprès de la fontaine ». Afin de déceler quelque source livresque de ces poèmes, je m'étais notamment plongé dans l'inventaire de la « Librairie » de Charles d'Orléans, d'après un ouvrage tout à fait passionnant publié en 1843, chez les imprimeurs de l'Institut Firmin Didot Frères, à Paris, par Antoine Le Roux de Lincy (1806-1869), bibliographe à la Bibliothèque de l'Arsenal et secrétaire de la Société des Bibliophiles français, et intitulé La Bibliothèque de Charles d'Orléans à son château de Blois, en 1427, publiée pour la première fois d'après l'inventaire original

 

Lorsque les Anglais, en 1427, menacèrent le pays de Loire et, en particulier, la ville de Blois, son château, les livres de sa bibliothèque, les meubles et les objets d'art qui y étaient rassemblés, Charles d'Orléans, qui était alors prisonnier en Angleterre, ordonna à son premier chambellan, le seigneur de Mortemart, à « messire Jehan de Rochechouart, chevalier », et à son secrétaire et conseiller Pierre Sauvaige, de procéder au déménagement de ces objets à Saumur, en Anjou, où ils seraient mis à l'abri. C'est à cette occasion que cet inventaire fut réalisé, par Maître Jehan de Tuilières, « licencié en lois, et lieutenant de monsieur le gouverneur de Blois ».


Beaucoup de ces livres avaient été légués, comme c'était l'usage, à Charles d'Orléans par son père, le duc Louis d'Orléans, qui, pour certains d'entre eux, les avait fait composer à ses frais. Dès lors nous ne savons pas si Charles d'Orléans a réellement lu l'ensemble de ces livres, ni s'il les a relus, ou seulement vite feuilletés. Mais une bibliothèque en dit à la fois long et peu sur son propriétaire. Celle-ci, qui est d'un prince du XVe siècle, et d'un poète, est une trace de sa mémoire aussi bien que sa mémoire possible. En Angleterre, Charles d'Orléans avait sans nul doute parcouru des ouvrages dont le titre restera à jamais inconnu : n'est-ce pas encore ce que nous voile toute bibliothèque privée, laquelle ne reflète qu'en partie les lectures de son possesseur ? Le goût du détenteur peut également transparaître à travers une liste d'œuvres, naturellement ; mais comment savoir précisément lesquels de ces livres ont été particulièrement aimés ?

*


Je propose de livrer ici l'intégralité de cet inventaire, qui référence exactement 80 livres, la plupart très précieux ; mais je le ferai sous la forme de fragments, de petits billets qui présenteront un, deux ou trois ouvrages à la fois. Je respecterai l'ordre dans lequel Jehan de Tuilières, dans son petit cahier de six feuillets, nous en a laissé le souvenir ; je conserverai également l'orthographe de l'original, d'après la transcription effectuée par Antoine Le Roux de Lincy, auquel j'emprunterai parfois quelques annotations à propos de chacun des livres, en ce qui concerne leur description formelle.

*


La bibliothèque de Charles d'Orléans, à son château de Blois, en 1427




« 1. Une Bible translatée en françois, neufve, historiée, à lettre de forme et à grans lettres et nombres     d'or. »

Ce premier livre est-il encore dans les collections de la Bibliothèque nationale de France ? La description est un peu vague, si l'on songe à la profusion de ce type d'ouvrage, alors.


La  « lettre de forme », autrement appelée "textura", était une écriture gothique, en lettre minuscule et en gros caractères, habituellement utilisée pour les Bibles. Cette Bible était enluminée, ornée de miniatures (historiée) et somptueusement décorée d'initiales (grans lettres) et de chiffres peints à l'or (nombres d'or).

On sait que Louis d'Orléans, à la fin du XIVe siècle, avait commandé des traductions françaises de la Bible. "Neuf" signifie plus particulièrement "récent" : un livre de 1395 pouvait-il être considéré comme "nouveau" en 1427 ? C'est que, nous autres modernes, nous sommes trop habitués à l'obsolescence d'une année, voire d'une semaine.



« 2. Ung Ovide Metamorphoseos, en françois et lettres courant, couvert de veloux noir ; et le dit livre tout neuf à deux fermaulx semblans d'argens dorés, esmailliés aux armes de monseigneur d'Orléans. »


Ce livre était composé en écriture cursive (lettres courant). Les riches « fermaulx » sont les fermoirs du livre, dont le transcripteur nous apprend qu'ils avaient été fabriqués par l'orfèvre Josset d'Esture, à Paris.


En 1843, la Bibliothèque royale possédait deux exemplaires de L'Ovide moralisé (daté du début du XIVe siècle,  « traduction moralisée » des Métamorphoses d'Ovide dans un ouvrage alors fautivement attribué au compositeur et évêque de Meaux Philippe de Vitry (1291-1361)), et Le Roux de Lincy pense qu'il s'agit de l'un d'eux.

Cet ouvrage fut très lu : c'est à travers cet Ovide-là qu'œuvrèrent alors peintres et poètes renaissants, et c'est pour cela qu'ils ne nous semblent pas toujours avoir lu le même livre que celui que nous lisons aujourd'hui...


(à suivre.)