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mardi, 07 octobre 2014

Entretien avec Jean de Rancé — Sur un poème mis en musique

 

  

 

 

Jean de Rancé. -. Cher Frédéric Tison, vos lecteurs ont pu découvrir récemment le poème d'Une autre ville mis en musique par Magali Fadainville et interprété par la formation musicale Le Fil du rêveur. Pourriez-vous nous retracer l'histoire de cette rencontre musicale ?

 

Frédéric Tison. -. Bien volontiers, cher Jean de Rancé. J'ai rencontré Magali Fadainville dans le cadre de mon travail, et — tandis que je ne savais pas encore qu'elle était musicienne et l'un des membres du Fil du rêveur, une formation musicale —  elle eut la curiosité de se procurer et découvrir Une autre ville, un cahier de poèmes illustré par le peintre et graveur Renaud Allirand que l'artiste et moi avions conçu en 2013. J'appris ensuite son appartenance au Fil du rêveur, au premier spectacle duquel j'assistai au début de l'année 2014. Ce spectacle, alternance de mélodies traditionnelles "revisitées" et de compositions personnelles, entrecoupées elles-mêmes de courtes lectures, me plut infiniment, et j'y retrouvai d'autre part beaucoup de mes propres recherches, ou tout du moins certains échos me semblèrent évidents avec elles. Le terrain était fraternel, l'esprit tout autant. Aussi, lorsque j'appris que Magali Fadainville, pour le deuxième spectacle du Fil du rêveur, avait composé une mélodie sur l'un des poèmes d'Une autre ville, je fus à la fois très honoré  — quel partage, quelle communion pouvais-je espérer de plus ?  — et surpris sans être surpris, si j'ose dire : j'étais surpris que l'un de mes textes eût été élu, mais je ne l'étais pas que ce fût par la musicienne.

 

 

J. de R. -. Magali Fadainville vous avait-elle proposé une mélodie, et avez-vous découvert avant les autres cette œuvre ?

 

F. T. -. Pas du tout, et c'est parfait ainsi : je ne suis, hélas, pas musicien, écrire avec des notes une mélodie m'est impossible, mais je ne pouvais que faire confiance à la musicienne, j'étais là, comme je le disais, en terrain ami, fraternel, généreux... Rare. Il n'était même pas concevable que le poème fût trahi, si l'esprit de la rencontre lui était antérieur. Aussi bien j'ai découvert l'œuvre achevée.

 

 

J. de R. -. Quelles impressions en retirez-vous ?

 

F. T. -. Ma réponse ne peut être que délicate, si l'on peut toujours la soupçonner d'un évident parti pris favorable ! Mais enfin... La première impression est celle d'une dépossession, qui n'est pas désagréable, bien au contraire, dirai-je : de même que mes textes, une fois publiés, ne m'appartiennent plus tout à fait, un mien poème mis en musique prend le même large, et s'il ne m'encombre désormais plus, je puis l'écouter du même dehors, ou presque, que celui des autres auditeurs... C'est l'expérience belle de l'étrange, dans son sens pur. Ensuite, bien sûr, je me rappelle les mots que j'ai écrits, et je ne peux que constater que la musicienne se les est appropriés à merveille, selon son chant et sa mélodie, et qu'ils lui appartiennent autant qu'ils ne m'appartiennent plus... Tout cela m'apparaît aérien, rêveur, appuyé, selon une lenteur et une tension maîtrisées, comme il le faut (selon moi !). L'insistance, parfois, sur des mots précis, fait que le vers est comme "soulevé" soudain, et qu'est renouvelée la lecture de chacun de ses mots. Mallarmé avait dit à Debussy, en guise de boutade mais non seulement, qu'il avait déjà mis en musique L'Après-midi d'un Faune sans attendre le musicien, aussi ce dernier intitula-t-il son morceau Prélude à... Cela dit sans me comparer sottement à Mallarmé, bien sûr ! Mais à mon sens la mélodie de Magali Fadainville est parvenue à souligner mes mots et à les accompagner, avec la beauté. Une autre musique était possible que celle qui était déjà tissée dans les mots, silencieusement sur la page.

 

 

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Une autre ville, II., « Où fis-tu naufrage si »,
musique de Magali Fadainville, 
 par Le Fil du rêveur, 2014.
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Commentaires

Résultat en tout cas fort bien construit.

Écrit par : admirateur | mardi, 07 octobre 2014

Je suis très heureux que cela vous ait plu, cher admirateur !

Écrit par : Frédéric Tison | mardi, 07 octobre 2014

Les commentaires sont fermés.