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mercredi, 14 janvier 2015

Entretien avec Jean de Rancé — À propos de « Si la demeure »

 

 

 

Jean de Rancé. -.  Cher Frédéric Tison, vous avez publié récemment un ouvrage consacré au Belvédère, la maison de Maurice Ravel à Montfort-l'Amaury. Pourriez-vous nous retracer l'histoire de ce livre ?

 

Frédéric Tison. -. Cher Jean de Rancé, bien volontiers. Je ne me suis pas rendu au Belvédère dans l'intention de faire un livre de cette visite. Tout au plus comptais-je en prendre quelques photographies destinées à mes carnets puis à ce blogue. Mais l'idée de ce livre m'est venue à peine étais-je entré dans cette demeure : d'emblée m'enchanta son caractère de mémoire vive, le fait même que je n'eus pas du tout la sensation d'entrer dans un musée, mais bel et bien celle de visiter les lieux en l'absence du compositeur, qui semblait ne les avoir quittés que pour un court moment. Tout (ou presque) en effet au Belvédère semble être resté en l'état, depuis la mort du compositeur en 1937 ; c'était sa volonté expresse : la maison, qui fut léguée tout d'abord à son frère Édouard Ravel (1878-1960), deviendrait ensuite la propriété de l'État à la condition que sa qualité de demeure fût intégralement préservée, jusqu'à l'emplacement des meubles et des objets. Aussi bien nous n'y trouvons pas ces horribles barrières ou cordons de protection, ces faux plafonds, ces panneaux didactiques, encore moins ces films projetés sur des murs de placo-plâtre "ornés" de surcroît de citations de l'auteur ou de représentations photographiques, qui habituellement défigurent les maisons d'artistes ou d'écrivains, comme celle de Jean Cocteau, à Milly-la-Forêt, hélas, et dans une moindre mesure, heureusement, mais pour combien de temps ? celle de Mallarmé, à Valvins. Au Belvédère, seule la cuisine a disparu : son mobilier a été remplacé par une modeste table qui sert de "billetterie", d'une discrétion exemplaire. Pour le reste, on n'a touché à rien : définition même de la beauté demeurée beauté.

 

J. de R. -. Avez-vous conçu votre livre comme un guide de visite ?

 

F. T. -. Oh non, même s'il est vrai que je présente la maison pièce par pièce et que j'invite pour finir à rejoindre le jardin, à travers un parcours photographique ponctué de notes. Mais ce n'est pas un guide, dans la mesure où c'est seulement mon regard qui a suivi ses préférences, voire ses caprices, et que le livre ne se prétend nullement exhaustif quant au contenu de la maison. De plus, je ne retrace pas son histoire, je fais seulement allusion à la vie du musicien dans ces lieux, que je décris et tente de faire parler. Si la demeure est un livre subjectif, amoureux même, il est issu d'un véritable coup de foudre pour le lieu, lequel fut favorisé il est vrai par mon admiration pour la musique de Maurice Ravel, toute sa musique, que j'écoute très souvent, qui m'accompagne et me nourrit ; je serais extrêmement peiné si je devais m'en priver.

 

 

J. de R. -. Qu'est-ce que ce livre, dès lors ? 

 

F. T. -. C'est une promenade, c'est un rêve dans un lieu matériel, prétexte et illustration de notes autour du Lieu, entendu comme ce qui devrait être, comme ce qui manque, comme l'écart possible, circonscrit, hélas, à quelques rares demeures. Le Belvédère est unique, véritablement unique, véritablement rare : c'est un lieu chargé de souvenirs, un lieu "vibrant", une géographie sensible avec laquelle nous sommes enfin en sympathie avec le monde, un jour, une après-midi, une heure... Aussi bien il fait partie de ces lieux dont je puis dire : « C'est là que je voudrais vivre ». Et qui sait ? Peut-être ce livre sera-t-il une occasion de voyage pour l'un de ses lecteurs : j'aime à croire qu'au Belvédère j'ai laissé une pensée. Mon Lecteur et moi nous y retrouverions, au sein du souvenir, de l'intérieur de la demeure jusqu'au jardin.

 

 

Frédéric Tison, Si la demeure. L'auteur/Blurb, octobre 2014.

(Livre épuisé.)