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lundi, 16 février 2015

Miroirs

 

 

 

Qu'est-ce, pour moi, que la photographie ? J'ai beau avoir déjà écrit à ce propos quelques phrases, je ne cesse d'y revenir : chacun de mes clichés, a fortiori parmi les plus récents, me pose la question lorsque je le regarde... Comment m'approprier ma propre image, je veux dire : comment celle-ci peut-elle exprimer mon seul regard, et non n'importe quel regard, interchangeable, oubliable, innombrable ? J'ai écrit : « Les photographies de nos voyages redoublent nos souvenirs en les fixant dans un cadre qui est le regard de quelqu'un qui aima ». Certes, me dirais-je maintenant, mais quelle est la nature de ce regard fixé ?  Il est des photographies qui sont belles en raison, surtout, de leur objet : c'est davantage celui-ci qui est beau, qui rend l'image belle — cela, bien sûr, même si l'on peut rater une photographie du château de Chenonceau... Je pourrais encore évoquer le cadrage, mais celui-ci est-il vraiment personnel, si bien souvent je m'inspire et me souviens de tableaux de paysages, de Patinir, de Ruysdael, du Lorrain, de Georges Michel encore ?

 

Cette image, qui n'est pas ratée, j'en conviens, est-elle vraiment belle ? N'a-t-elle plutôt qu'un intérêt anecdotique (ma visite en ce lieu), si elle n'est un souvenir que pour moi, si elle ne montre qu'un instant, certes particulier, mais qui pourrait être répété  : ne changeraient que la lumière, les nuages, les ombres sur les jardins... Et dès lors, ce serait la lumière, ce seraient les nuages et les ombres qui créeraient véritablement la beauté, sur cette image, non le merveilleux château, ce sont eux qui rendraient belle mon image — et j'y prendrais alors peu de part...

 

Il m'arrive d'être plus ambitieux, peut-être, lorsque mes photographies tentent de s'émanciper du seul souvenir de voyages et de promenades. Alors, parallèlement au souvenir, j'essaie le détail, la lumière, l'ombre (le reflet). J'isole de minuscules paysages... Ainsi, par exemple, cette image.

 

(Je me suis toujours méfié des photographies trop clinquantes, trop contrastées, celles qui veulent en mettre "plein la vue", ces bonbons pour l'œil, bien trop sucrés ; autant que de ces images trop léchées, trop "belles", si travaillées et reprises qu'elles basculent, pour les meilleures d'entre elles, quand elles ne sont pas absolument truquées, du côté de la peinture sans que le photographe ait la main du peintre : dès lors, autant peindre, me dis-je, car ces photographes me semblent se payer de couleurs et de lignes, dirai-je, comme il arrive que certains poètes se payent de mots, et restent à la lisière du Poème.)

 

Derrière l'objectif du photographe il est quelqu'un qui aime avec la même timidité de regard que celle de l'image représentée. Quand dois-je m'interrompre, avant de me tromper ? Quand dois-je ne pas faire, ou plutôt ne pas montrer, avant de tromper les regards, tous les regards ?

 

Il est, me dis-je, deux sortes d'images "intéressantes", pour faire (très) vite (et pour parler comme Paul Veyne, à propos de l'Intéressant) : de belles images documentaires où resurgissent le voyage et la promenade, un lieu, un moment aimés ; des images plus profondes, ou qui tentent de saisir cette profondeur, de la forer. Après tout, pourquoi se priver des unes ou des autres ?

 

 

 

jeudi, 23 octobre 2014

Le château et le temps

 

(En marge de l'inventaire de la Librairie de Jean de Berry au château de Mehun-sur-Yèvre, en 1416.)

 

 

 

 

L'ami des châteaux connaît la merveilleuse miniature des frères Limbourg contenue dans les Très Riches Heures du duc de Berry, et, s'il est allé sur les lieux, ce qui reste du château de Mehun-sur-Yèvre, ruines à la fois belles et désolantes... J'ai trouvé deux images plus rares de l'édifice que conçut l'architecte Guy de Dammartin, et dont parle Françoise Autrand dans son ouvrage Jean de Berry, L'art et le pouvoir, paru en 2000 aux éditions Fayard, hélas sans détailler ses sources.

 

La première de ces images, si c'est bien elle que je reproduis ci-dessous, est une miniature de 1465 (d'après Françoise Autrand), contenue dans un livre que je ne suis pas parvenu à identifier. On y voit le château, toujours intact, cette fois sous l'angle ouest :

 

 

le_chateau.jpg

  

(Source. Cette image est décrite comme une tapisserie sur le site,
mais cela me semble bien étrange...)

 

 

La seconde est un dessin, daté de 1737, d'un certain Jean Pe[r??], dont je ne suis pas parvenu à lire le nom exact sur la reproduction. Le dessin prouve déjà la négligence des hommes à l'encontre de cette merveille : même si le château a belle allure encore, ses tours sont en partie ruinées, ses flèches effondrées, à la suite d'un incendie qui se déclencha au XVIe siècle, et sa base est comblée de terre. Le château fut ensuite utilisé, jusqu'au début du XIXe siècle, comme une carrière de pierres...

 

 

M0234-0004262.jpg

  

(Source)

 

 

Au début du XIXe siècle, le château est déjà comme nous le connaissons, ainsi que le montre cette aquarelle.

 

Je serai, naturellement, heureux qu'un Lecteur de passage m'apporte ses lumières en ce qui concerne les points obscurs de ce billet !

 

 

 

lundi, 09 juin 2014

Dehors et dedans

 

 

 

 

L'architecture moderne ou contemporaine des bâtiments publics tels que les musées, ou celle des édifices religieux, se distingue à mes yeux en ce que, très souvent, si l'aspect extérieur est hideux, ses intérieurs sont vastes, élégants, et harmonieusement vides, oserai-je écrire, toujours propices à la contemplation et au silence : ainsi du musée Guggenheim, à Bilbao, que je visitai durant l'été 2006, ou du musée de Grenoble dont les salles sont spacieuses et bellement éclairées pour la plupart ; ainsi de l'église du Sacré-Cœur d'Audincourt, et de l'église Saint-Louis de Brest dont j'ai renoncé à montrer ici la laideur extérieure, et qui offre cependant une nef immense, puissante et belle. À l'inverse, les plus beaux palais du passé dissimulent trop souvent, désormais, derrière la magnificence de leurs façades, les intérieurs les plus sinistrés, "aménagés" ainsi qu'ils le sont de faux-plafonds, de portes ou de panneaux de verre et de cloisons de plâtre pour complaire à une certaine idée de l'architecture moderne : ainsi du Louvre, ou du château de Vaux-le-Vicomte.

 

 

 

14:41 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Tags : frédéric tison, notes, architecture | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook |