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samedi, 23 avril 2022

Du sentiment de déclassement (Fragments)

 

 

Le sentiment de déclassement ne peut être éprouvé que par ceux qui aiment le rare.

 

Le sentiment du rare n'est partagé que par ceux qui aiment la beauté.

 

Le sentiment de la beauté n'est vécu essentiellement, aujourd'hui, que par ceux qui sont socialement déclassés.

 

La poésie n'est pas comprise parce qu'elle n'est pas à comprendre, ainsi que la musique.

 

Lorsqu'on prétend la comprendre, la musique n'est nullement entendue.

 

Dès que l'on nie la hiérarchie, on est très adapté à ce monde qui met sur le même plan quelque sottise et quelque bouleversante création, à ce langage officiel du monde qui ment tout le temps ; de même, si l'on observe la hiérarchie évidente des pensées et des corps, par exemple, si l'on dit que cet oiseau, ce colibri, est plus beau que cet autre oiseau qui est pigeon, et aussi que ce livre, et ce visage, et cette attitude sont plus beaux que d'autres, on est déclaré inapte, méprisant, et dénoncé pour cela. La ruine n'est pas loin, et le déclassement se poursuit, en cascade.

 

J'ai dit une fois à quelqu'un que quelque chose était de couleur bleue, mais bon, on me répondit qu'elle était rouge. Le désespoir devant cette absence d'échange mène à une solitude renouvelée, supplémentaire même, dont je me serais bien passé. Le malheur, c'est l'absence d'une évidence partagée, c'est l'image même du manque.

 

« Ô solitude... » (Henry Purcell.)

 

Je déteste le ciel bleu lorsqu'il est uniformément bleu, de ce bleu qui est une forme de violence. Je n'aime que les nuages, lesquels sont à la fois beaux, rêveurs, et uniques. Ils ne jugent pas, ils passent.

 

 

 

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