samedi, 20 novembre 2021
Il était une fois
Je me souviens, alors que j'avais travaillé durement pour obtenir un CAPES, je fus envoyé dans une banlieue sinistre. J'étais sincère : je pensais que j'allais transmettre quelque chose. J'aimais lire et faire lire des contes et des poèmes, faire découvrir et prêter des livres. Mais non : je fus avant tout un policier, qui devait faire régner l'ordre ; un jour, je reçus même une chaise lancée dans mon dos ; on aurait dû, à l'IUFM, me donner des cours d'auto-défense. J'attendis huit ans pour quitter cette médiocrité, cette violence. Je fus muté à Paris. Mais là encore, la situation fut triste. J'étais encore, non pas le bibliothécaire, mais le flic du "Centre de Documentation et d'Information". J'ai certes rencontré des élèves aimables et curieux, mais tout a toujours été submergé par le bruit, la fureur et la surprise malfaisante. La bibliothèque que je gère est calme ; mais c'est au prix d'un qui vive permanent, épuisant, lassant. Je ne travaille pas : je veille, je surveille, je suis comme un serpent à sonnettes. Me concentrer deux minutes d'affilée est impossible, et cela, sept heures durant. J'ai tenté d'en parler à quelques proches, qui m'ont ri au nez et m'ont dit que j'étais chanceux. Or, je ne suis certes pas pauvre, mais je ne suis pas riche, et j'ai été maltraité. Je ne sais rien faire d'autre que ce travail : mes diplômes ne sont pas reçus ailleurs, hélas, et je ne suis pas un politicien ni un scientifique. Je voulais seulement, ce qui m'a été refusé, dire et lire tranquillement à des enfants la phrase superbe des contes : « Il était une fois ».
05:42 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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