mercredi, 30 août 2017
Entretien avec Jean-Paul Gavard-Perret
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’espoir d’une rencontre : avec un livre, un paysage ou un être aimé.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Il me semble en avoir davantage aujourd’hui que lorsque j’étais enfant ; d’ailleurs, je ne me souviens plus de ces rêves.
À quoi avez-vous renoncé ?
À voir l’ensemble des pays, des villes, des palais, des lacs et des mers du monde.
D’où venez-vous ?
Je l’ignore. C’est pour moi une question vertigineuse.
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
La langue française.
Qu’avez-vous dû “plaquer” pour votre travail ?
La pratique du piano, faute de temps.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Boire une tasse de café, attablé à la terrasse d’une brasserie, et ne rien faire d’autre qu’observer le monde qui passe.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres poètes ?
Rien de plus, rien de moins que ce qui distingue un homme d’un autre homme : si peu de choses, et tant de choses !
Comment définiriez-vous votre manière d’aborder le travail avec des artistes ?
Je pense être curieux de la création contemporaine ; je ne cesse d’arpenter les galeries d’art à la recherche de ce qui m’est encore inconnu. Je me sens très humble devant le savoir-faire des artistes dont les œuvres me plaisent : si j’écris quelques mots en relation avec ces œuvres, c’est pour instaurer une forme de dialogue, comme on parle en poésie d’un chant amébée ; aussi dirai-je qu’il s’agit essentiellement d’un échange et d’un partage de regards.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Je crois bien que ce furent les peintures du plafond de la Galerie des Glaces du château de Versailles ; je devais avoir huit ou neuf ans.
Et votre première lecture ?
Ma première « vraie » lecture fut certainement, à l’adolescence, celle des « Fleurs du mal ».
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’aime presque toute la musique, de Guillaume de Machaut à Arvo Pärt, même si mes plus grandes amours vont à Purcell, Bach, Mozart, Tchaïkovski, Sibelius, Ravel et Debussy.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il y en a plusieurs : la Bible, les Métamorphoses d’Ovide et Les Fêtes galantes de Verlaine. J’aime aussi beaucoup me replonger dans Hérodote, dont L’Enquête est inépuisable.
Quel film vous fait pleurer ?
Je fus bouleversé par Je suis le Seigneur du château, de Régis Wargnier.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Quelqu’un qui s’étonne de dire « je ».
À qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Écrire, et publier, c’est oser s’adresser à tous.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
« Mythe » est peut-être un terme un peu trop fort, mais je dirais la ville de Tübingen, où Hölderlin vécut ses derniers jours, Ninive, l’ancienne ville de l’Assyrie, et les plages et les ports de la côte normande, qui sont pour moi des lieux presque saturés de souvenirs, de légendes, d’histoire et de beauté.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Parmi les étoiles les plus brillantes de ma constellation d’écrivains figurent Ovide, les romanciers médiévaux de la Quête du Graal, Pétrarque, Maurice Scève, Frédéric Hölderlin, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire, Pierre Jean Jouve, Antonin Artaud, François Augiéras, Marguerite Yourcenar, Paul Gadenne, Paul Farellier ; et, dans mon musée imaginaire, je place les peintres chinois des périodes classiques, les miniaturistes persans, Fra Angelico, Carlo Crivelli, Herri met de Bles, Rembrandt, Claude Gellée, Hubert Robert, Georges Michel, Gustave Moreau, Edvard Munch, Nicolas de Staël… sans oublier les peintres, graveurs et photographes (Sylvie Ledouxe, Damien Brohon, Sophie Courtant, Renaud Allirand, Marc Tanguy, Danielle Berthet) avec lesquels j’eus le plaisir de concevoir des cartes d’art et des livres d’artiste.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un exemplaire de l’édition originale (1544) de Délie, Objet de plus haute vertu, de Maurice Scève. Un donjon du XIIIe ou du XIVe siècle, dans un grand parc, me ferait grand plaisir aussi.
Que défendez-vous ?
La langue française, les paysages, les belles demeures ; la poésie et les arts de tous les siècles et de tous les pays.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
J’en pense que trop parler de l’amour est suspect.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Elle me fait penser aux mots d’Angelus Silesius : « La rose est sans pourquoi ».
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Qu’est-ce qu’un poème ?
Entretien et présentation réalisés par Jean-Paul Gavard-Perret pour lelitteraire.com, le 20 août 2017.
12:42 Écrit par Frédéric Tison dans Entretiens, Revues, Une petite bibliothèque | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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