mardi, 05 janvier 2021
Des insomnies
Les insomnies sont des îles innombrables sans archipel. Plus aucun bruit, par la fenêtre. Une seule fenêtre est allumée, dehors, dans l'immeuble qui fait face au mien : serait-ce, dans cette pièce, une personne qui veille ? Je ne la vois pas, il n'y a qu'un rideau jaune immobile, presque effrayant. À la radio, une pièce calme de Claude Debussy, ou un torrent de Carl Nielsen, qui comprennent la nuit et la solitude, et se superposent au silence souverain. J'aime et je redoute ce silence, cette vacance. Travailler... Ne troubler le sommeil de personne, malgré le téléphone possible, impossible. Mais il est trois heures du matin, c'est une heure personnelle que nul ne peut me prendre, et c'est aussi une dérive du corps et de la pensée. L'amour est absent, selon l'habitude, les amitiés sont absolument fausses, inaccessibles, irréelles. Nous ne serons jamais accompagnés, aucune psychologie ne saurait se rappeler sans tomber dans un gouffre déjà su. Le couvre-feu est instauré depuis des heures ; jadis, je me levais de mon lit froid, puis j'allais me promener autour des pâtés de maisons qui m'environnent et me sont désormais interdits d'accès. Et les rues sont dangereuses, désormais, à Paris : on y croise quelques possibles monstres, des prédateurs attentifs. Mon salon tapissé de livres et de musique sont mon labyrinthe connu, et ce vertige peuplé de portes fermées. Je n'attends plus qu'un soleil dont la lumière me semblera naïve. Et si tardive ! Les oiseaux, dans les buissons, dorment. Dans une heure, ils chanteront.
03:04 Écrit par Frédéric Tison dans Crayonné dans la marge, Minuscules | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
Commentaires
Et pourtant, tu as du coquelicot.
Écrit par : Claire Boitel | mardi, 05 janvier 2021
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