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jeudi, 09 avril 2020

Où je lis Mallarmé (1)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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LE PITRE CHÂTIÉ



Yeux, lacs avec ma simple ivresse de renaître
Autre que l’histrion qui du geste évoquais
Comme plume la suie ignoble des quinquets,
J’ai troué dans le mur de toile une fenêtre.

De ma jambe et des bras limpide nageur traître,
À bonds multipliés, reniant le mauvais
Hamlet ! c’est comme si dans l’onde j’innovais
Mille sépulcres pour y vierge disparaître.


Hilare or de cymbale à des poings irrité,
Tout à coup le soleil frappe la nudité
Qui pure s’exhala de ma fraîcheur de nacre,

Rance nuit de la peau quand sur moi vous passiez,
Ne sachant pas, ingrat ! que c’était tout mon sacre,
Ce fard noyé dans l’eau perfide des glaciers.

 

Stéphane Mallarmé

 

(La page filmée provient du Tome I des Œuvres complètes de Mallarmé dans la Bibliothèque de la Pléiade, 1998.)

 

 

 

 

08:14 Écrit par Frédéric Tison dans Album des phrases | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook |

Commentaires

un chef d'oeuvre !

Écrit par : Un fervent admirateur | jeudi, 09 avril 2020

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Le Maître !

Écrit par : Frédéric Tison | jeudi, 09 avril 2020

Savez-vous, cher Frédéric, que les deux premiers vers d’un état plus ancien de ce sonnet que les éditeurs de la Pléiade donnent en note sont de ceux que j’aime le plus ? « Pour ses yeux, – pour nager dans ces lacs, dont les quais / Sont plantés de beaux cils qu’un matin bleu pénètre […] » Je les trouve indépassables. Ils ont une force d’évocation qui me bouleverse. Toutes les métaphores me semblent un peu fades, à côté de celle-ci. Et cette lumière… Depuis l’adolescence je me demande comment Mallarmé a pu renoncer à ce miracle pour récrire son sonnet. Sans doute le sonnet final est-il davantage du Mallarmé que le premier, mais je trouve la version initiale tellement plus amoureuse, s’adressant tellement plus aux sens, c’est-à-dire tellement plus à l’homme finalement ! Mais peut-être est-ce à cela qu’on reconnait les grands poètes : ils ne se laissent pas détourner de leur chemin supérieur par les beautés qui se rencontrent sous leur plume… Cette récriture m’a plongé plus d’une fois dans le désespoir. A cause d’elle, j’ai su très tôt que je ne serais jamais vraiment un poète. Je n’ai jamais eu l’art d’aller plus loin que la première joliesse pondue ! Je m’en contente tellement qu’elle justifie souvent à mes gros yeux l’alignements de vers et de vers insipides. Alors enlaidir délibérément le peu de beauté qu’il m’arrive de trouver, pour être poète plutôt que facile, j’en serais bien incapable !

Écrit par : Antire | lundi, 27 avril 2020

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