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samedi, 17 décembre 2016

Au Sri Lanka — Notes de carnet (18)

 

 

Lundi 25 avril 2016 [suite]

 

(Dans l’avion)

 

Le Sri Lanka a imprégné ma peau, mes vêtements, et jusqu’à mes sacs de voyage de ses odeurs : effluves douceâtres, gras, entêtants, avec, en filigrane, quelque note rance – quelque chose d’inexorablement putride, mais qui ne va pas jusqu’à l’écœurant – mille épices fortes et douces, je ne sais comment dire, ou plutôt je viens de l’écrire.

 

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Il est (m'est ?) impossible de réellement rencontrer l’Asie, du moins cette part d’Asie que j’ai vue : ce n’est pas seulement parce que je suis quelquefois passé près de quasi bidonvilles en voiture climatisée, et que j’ai dîné dans des restaurants d’hôtels dont les buffets délicieux et abondants étaient dressés à quelques centaines de mètres de pauvres échoppes garnies de fruits et de légumes durement récoltés, tenues par de pauvres gens – et je ne parle même pas de ces infortunés écrasés de misère et de maladie, qui s’observent à chaque coin de rue et dans chaque village, et auprès desquels certains déshérités, en France, pourraient se dire qu’ils ne sont pas si mal lotis, auprès desquels, surtout, nous sommes millionnaires, pour la plupart d’entre nous. Mais ce n’est pas seulement pour cela, disais-je, que l’Asie ne se rencontre qu’à peine : c'est que tout y est trop « autre », si j’ose dire, et dans le même temps c’est encore l’homme qui cherche le moyen de son habitation dans le monde – et ce qu’il a trouvé ressemble à nos trésors, avec leurs variations, avec d’autres couleurs et d’autres visages, que nous ne pouvons pas rêver de la même manière, que nous ne pouvons que contempler de loin.

 

***

 

Je suis encore à 8 500 kilomètres de la France, et j’entreprends un voyage de quatorze ou quinze heures en avion : quelle extravagance ! Ce qui est banal pour tant de gens, apparemment, ne l’est pas pour moi. La durée me semble pliée, si je la mets en rapport avec la distance et les lieux.

 

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Tout à l’heure, dernier regard sur l’océan, dernière présence en ces lieux, pour jamais.

 

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Escale à l’aéroport d’Abu Dhabi, qui est immense ; on se croirait dans un aéroport international occidental si l’on ne croisait de nombreuses familles composées d’un homme et de ses épouses voilées de noir (ou de couleurs vives, parfois), accompagnées d’enfants ; et si ne résonnait régulièrement l’appel à la prière par un muezzin, diffusé dans les haut-parleurs.

 

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Dans sept ou huit heures je serai à Paris ; c’est la nuit. Un enfant hurle et pleure dans l’avion et réveille tout le monde – ses parents ne font pas grand’chose… Tous les feux sont éteints, même celui de la veilleuse au-dessus de moi, je ne puis plus lire mon livre, et pour écrire ces mots (difficilement) je m’éclaire grâce au petit écran qui est accroché au dos du siège qui me fait face et qui me propose de regarder, muni d’oreillettes et d'une télécommande, des films tous plus stupides les uns que les autres, ou bien des longs-métrages coréens sous-titrés, au choix, en russe ou en arabe ( !) ; désœuvré, et pour contrer les pleurs de cet enfant intolérable qui m’empêchent de fermer les yeux, je regarde le dernier James Bond, Spectre, qui est assez distrayant, mais enfin… ! Il y a décidément quelque chose en moi qui n’est pas fait pour ce monde-là.

 

(...)

 

 

 

 

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